Garder le silence

𝐏𝐫𝐨𝐥𝐨𝐠𝐮𝐞

J'aurais dû lui dire.

Mes yeux fixent les dalles du plafond au-dessus de moi.

J'aurais dû lui dire, ce matin, quand elle m'a demandé si tout allait bien. Mais j'ai préféré garder le silence sur ce secret qui me pèse depuis des semaines. Voir des mois.

Et pourtant, ma vie était déjà toute tracée. Depuis que je suis en âge de m'en souvenir, j'ai toujours fait la fierté de mes parents. Faire en sorte de ramener les meilleures notes à la maison. De finir première lors des compétitions de natation. D'avoir les bonnes fréquentations. C'étaient les objectifs que je m'étais donnée en était plus jeune.

Avec ma bourse sportive, j'avais pu d'intégrer la faculté de droit à Los Angeles. Le droit, ce n'était pas forcément la voie qui me faisait le plus vibrer. Mais quand j'ai vu les yeux brillants de ma mère quand nous avons reçu la réponse positive, je n'ai pas su dire non.

Tout ce que je voulais, c'était nager. Mais ma mère voulait que je fasse des études pour assurer mes arrières quand ma carrière de nageuse serait terminée, alors j'avais choisi UCLA. Leur équipe de natation était l'une des meilleures de la côte ouest. Et depuis le début de l'année, j'étais celle qui remportait tous les championnats auxquels l'université participait. Les cours de droit étaient un plus. J'avais décidé de me spécialiser en droit international, mais sans grande conviction.

J'ai une colocataire avec qui je m'entends extrêmement bien et un petit ami qui me traite comme une reine. Je ne sais pas exactement à quel moment, j'ai commencé à perdre pied dans ma vie.

Enfin si, maintenant, je le sais.

Je ne sens plus mes jambes et une douleur me lance à l'arrière de ma tête. Des gouttes s'échappent du pommeau de douche et s'écrasent sur mon ventre.

Dès que j'ai croisé son regard, j'ai senti que je ne le laissais pas indifférent. C'était moi qui avais fait le premier pas, un soir quand nous marchions sur le campus. Tout allait bien avec Roy, ça faisait un an et demi que nous étions ensemble. Mais il me manquait quelque chose. Et il était précisément, le petit coup de folie dont j'avais besoin pour me sentir vivante.

C'était le premier écart que je faisais dans ma ligne de conduite que mes parents avaient tracée pour moi depuis ma naissance. Je pensais pouvoir tout mener de front. Entre les entraînements de natation, les cours, ma vie sociale et ma liaison, il fallait que je me rende à l'évidence. J'avais tout foutu en l'air.

Un gout de fer se répand dans ma bouche, une larme s'échappe de mes paupières.

Cette histoire est allée beaucoup trop loin. Je voulais y mettre un terme ce soir avant d'aller rejoindre Maggy, ma meilleure amie, à la soirée de l'équipe de foot. J'avais anticipé mes arguments, ça devait être rapide. Mais, je n'avais pas prévu qu'il perde son sang-froid.

Ni qu'il serre ses mains autour de mon cou pendant que je le suppliais d'arrêter. Quand ma tête a tapé une première fois la paroi carrelée de la douche, j'ai su que je ne m'en sortirai pas vivante. Dans son regard, il n'y avait plus rien d'amoureux. La rage s'était emparée de lui.

Si j'en avais parlé à Maggy ce matin, je ne serais pas toute seule ce soir en train de me vider de mon sang dans cette cabine de douche après mon entrainement de natation.

Ma respiration siffle, le sang envahit ma gorge. Je tente de tousser pour pouvoir respirer à nouveau, mais en vain.

Je m'en veux, je n'aurai pas dû garder le silence sur cette histoire.