𝟓 • 𝐋'𝐚𝐬𝐬𝐞𝐦𝐛𝐥é𝐞 𝐞𝐱𝐭𝐫𝐚𝐨𝐫𝐝𝐢𝐧𝐚𝐢𝐫𝐞

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25 février,
9h38
Studio de Maggy & Cora,
Los Angeles.


Maggy.

Les bras croisés derrière la tête, je fixe le plafond depuis plusieurs heures déjà.

Ma nuit n'a pas été de tout repos. Malgré la voix rassurante de ma mère, je n'ai pas vraiment réussi à dormir autant que je l'aurais voulu. Ça faisait longtemps que je n'avais pas fait de rêve.

D'habitude, je ne m'en souviens pas à mon réveil. Mais là, le réalisme des images produites par mon cerveau m'a troublé. À chaque fois que j'entrais dans une phase de sommeil paradoxal, les différents évènements de la journée d'hier revenaient sous mes paupières.

J'ai fini par abandonner l'idée d'avoir une nuit paisible et ouvert les yeux avant le lever du soleil. Depuis, je n'ai pas bougé d'un iota. Le vent souffle en rafale dehors, c'est la cent dix-huitième fois que la branche frappe contre la fenêtre.

Faut que je pense à envoyer un mail à l'intendance de notre résidence pour qu'ils règlent ce problème.

Mis à part la tempête qui semble se préparer dehors, il n'y a aucun bruit dans les studios qui entourent le nôtre. D'habitude, les dimanches matins, la voisine du dessus écoute en boucle le dernier son de sa chanteuse pop préférée tout en bougeant l'ensemble de ses meubles pour faire le ménage. Des portes claquent, les murs tremblent, des voix s'élèvent dans les couloirs, mais aujourd'hui, rien.

Le campus aurait-il été évacué sans qu'on me prévienne ? Peu probable.

La branche qui tape une fois de plus contre la fenêtre me sort de ma contemplation du plafond. Je m'étire de tout mon long avant de grimacer de douleurs. Mon genou gauche est dans le même état qu'hier soir, le sang ayant séché autour de la plaie et collant mon legging à ma peau.

En m'asseyant sur le rebord de mon lit, mon regard se porte irrémédiablement sur celui de Cora. Je suis presque étonnée de le voir vide.

Avec un temps pareil à l'extérieur, ma colocataire aurait souhaité passer son dimanche matin sous la couette. Son bandeau pour les yeux et ses boules Quiès, rien n'aurait perturbé son sommeil. J'aurai pu vaquer à mes occupations sans avoir peur de la réveiller. Puis, vers midi, elle  aurait fini par émerger à cause de la faim qui aurait fait gargouiller bruyamment son estomac.

Mais ce matin, sa couette n'a pas bougé. Je me demande quand est-ce toutes ses affaires seront récupérées par ses parents. Peut-être que je devrais les appeler pour prendre de leurs nouvelles et voir comment va être organisée la suite.

Un frisson me parcourt.

J'ai encore du mal à réaliser ce qu'il s'est passé hier. Pourtant, j'étais là. Mais c'est comme si mon cerveau refusait d'assimiler la réalité des évènements.

J'ose à peine bouger, comme si Cora allait rentrer en faisant claquer la porte d'entrée à tout moment. Au bout de quelques minutes, je finis par faire rouler mon legging sur mes jambes et je fais passer mon t-shirt par-dessus la tête pour aller prendre ma douche.

Propre et enroulée dans ma serviette de bain, je verse un peu de désinfectant sur un coton et je tapote doucement sur la plaie à mon genou qui s'est rouverte sous la douche. Le pied en appui sur le lavabo, je me fige quand j'entends que quelqu'un frappe contre la porte d'entrée.

Je n'ai pas envie de voir qui que ce soit, alors je repose lentement mon pied au sol et je plaque ma main sur ma bouche comme si la personne pouvait m'entendre respirer à travers la cloison. Si je ne fais pas de bruits, cette personne finira par partir et je pourrais reprendre mes activités.

Garder le silenceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant