Le royaume de Sagwa

Un lila de fourmis.

Le palais était un endroit tout aussi curieux que les terres quasi plates et étendues de ce royaume. Tel son possesseur et ses pensées étaient, le château s'étendait sur des tours entières et demeurait aussi clair qu'impénétrable. L'édifice était en effet constitué d'un verre qui semblait transparent de loin et qui pourtant ne reflétait que votre propre reflet à l'approche. Vous confrontant toujours à vous-même.
Ces parois, même en son intérieur, demeuraient tout aussi cristallines et seules les personnes à l'intérieur d'une dite pièce pouvaient voir ce qui se trouvait derrière, rendant chaque espace aussi énigmatique que limpide. En toutes ces choses, le palais demeurait profondément énigmatique, plein de secrets et de recoins cachés, visibles seulement de ceux qui souhaitaient véritablement voir ou bien savoir. Tel l'arbre aux pommes dorées, tout en ces lieux semblaient aussi évident qu'insaisissable et c'est en cela que demeurait sa véritable beauté.

Ainsi était le roi Kim et son domaine, aussi insondables que transparents et c'est toute cette ambivalence qui le rendait aussi attractif qu'intriguant.

Cet aspect mystique avait des avantages autant que des inconvénients. Car si la météo ou encore les températures du fief reflétaient les humeurs de son propriétaire, cela signifiait également que tout le peuple pouvait savoir ce que son souverain ressentait et finalement, ce constat semblait bien ironique pour quelqu'un qui se voulait si discret sur ses pensées.

L'avantage majeur de cette particularité demeurait dans son égalité. En effet, tous les monarques aux alentours étaient logés à la même enseigne. Qu'il s'agisse de Sagwa, de Solan ou encore de Salang, les citoyens autant que les seigneuries demeuraient contraints, bien que souvent heureux, de vivre sous le joug des ressentis de leurs souverains qui, de leur côté, tentaient au mieux de se montrer à la hauteur de la connection spéciale qu'ils entretenaient avec leurs terres.

Ainsi, on racontait que très loin de Sagwa, un royaume appelé Salang que le roi Kim ne connaissait que trop peu, était perpétuellement plongé dans les ténèbres et les intempéries. Ce domaine et ses habitants semblaient pétris et englués par la douleur d'un roi qui trouvait son concubin malade et dont il gardait le chevet comme une mère couvait son nouveau-né. On racontait même tard le soir dans les jardins du château ou encore très tôt le matin, dans la fraîcheur du marché, que son Roi, un certain Lee, demeurait rongé par l'inquiétude et la haine de se voir retirer la personne qu'il aimait le plus en ce monde. Certains se risquaient même à dire qu'il aurait été capable de tout pour le sauver, quitte à donner de ses terres et même de lui-même pour allonger la vie de celui qui donnait un sens à la sienne.

Heureusement, pour le moment et à la connaissance du souverain Kim, personne ne s'était aventuré à essayer d'utiliser cette faiblesse nouvelle pour s'emparer du trône et de toute manière, quiconque se serait amusé à essayer aurait probablement été le plus fou des hommes. Seungmin avait entendu dire que son détenteur était aussi sombre que dangereux et que la perte progressive de son amant ne l'avait entraîné que plus profondément dans ses tourments les plus obscurs, accompagnant tout son peuple avec lui. Le roi pleurait un homme qui n'était pourtant pas encore parti et tout son royaume semblait autant en deuil qu'en colère, rendant les créatures qui y vivaient plus hargneuses qu'elles n'avaient jamais été, comme gardiennes de son chagrin.

Seungmin ne savait qu'en penser, mais cela faisait un moment qu'il réfléchissait à comment protéger cet homme qui semblait aussi impulsif que pourtant transit d'amour.
Il aurait pu, comme plusieurs de ses conseillés de lui avaient habilement suggéré, profiter de cet instant de dite faiblesse pour tenter de quémander des ressources qu'ils leurs manquaient, comme les minéraux rares qui prolifèraient en leurs sols profonds, mais Seungmin n'était pas de ces souverains là et chez lui, l'amour était sacralisé.