Chapitre XI

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La bête fixait les jumelles sans ciller.

Ses yeux dorés brillaient d’intelligence et des muscles puissants se dessinaient sous son pelage gris cendre. Ses oreilles pointées vers l’avant ne trahissaient ni crainte ni animosité, juste de la curiosité.

Malgré cela, Anaïs sentit ses jambes se mettre à trembler de façon incontrôlable et une sueur froide coula lentement le long de sa colonne vertébrale. Elle ne pouvait détacher les yeux de l’animal. De ses pattes puissantes. De ses griffes effilées. De ses crocs luisants. Elle s’imagina un nombre incroyable de scénarios finissant tous de la même façon, à savoir sa sœur et elle déchiquetées en confettis avant d’être tout simplement mangées. Comme ça. Plus personne ne se souviendrait d’elles et les Légendes ne seraient jamais libérées. Le dieu du chaos règnerait sur le Royaume pour toujours et personne ne pourrait y faire quoi que ce soit. Elle réalisa à cet instant que, étrangement, le sort de ce pays qu’elle ne connaissait pourtant pas lui tenait à cœur.

– C’est Atlas, n’aies pas peur.

Anaïs mit un moment à comprendre que c’était Léna qui venait de parler et un autre, plus long, pour que son cerveau analyse l’information.

– Comment ça “c’est Atlas” ? dit-elle en fronçant les sourcils.

– Ce loup n’est pas notre ennemi. Je le connais.

« Je le connais ? » Comment ça, tu le connais ? C’est une bête sauvage !

– Mais Léna ! C’est un loup bon sang ! Un loup pas un animal de compagnie ! Il faut s’enfuir si on ne veut pas se faire dévorer !

– Anaïs, calme toi. Je viens de te dire que nous ne risquons rien.

Et comme pour appuyer ses paroles, la jeune fille s’approcha du loup, à pas lents. Anaïs ne pouvait se résoudre à voir sa sœur croquée par la bête, mais il lui était tout aussi impossible de faire un pas dans sa direction. Tiraillée entre ces deux extrêmes, elle se sentait prête à exploser.

Une vague de chaleur naquit dans sa poitrine. La clé ! Elle l’avait complètement oubliée ! Mais ce n’était pas exactement la même sensation que les dernières fois. La chaleur semblait plus… agressive, elle ne la consolait pas mais la rendait plus forte. Tel un fleuve de lave, Anaïs la sentit se répandre dans son corps, parcourir ses veines comme un poison bienfaisant. Elle finit par se concentrer dans ses mains, dans le bout de ses doigts. L’adolescente les tendit en avant, déconcertée. Elle était partagée entre l’étonnement, la peur et une sensation de force formidable. Plus elle se concentrait, plus la chaleur se faisait forte dans ses phalanges. Elle avait complètement oublié ce qui se passait autour d’elle, même la présence du canidé.

Sous ses yeux ébahis, une flammèche naquit dans sa paume, fragile et tremblotante. La jeune fille resta un instant sans bouger. Même son cerveau s’était mis en pause.

Elle eut soudain très chaud et, sans prévenir, elle s’effondra.

✰✰✰

Anaïs ouvrit difficilement les yeux.

Elle avait l’impression que chaque muscle de son corps s’était métamorphosé en plomb, que chaque cellule de sa peau était passée par le feu et par l’eau avant d’être remise sur son corps.

Elle se redressa sur ses coudes et constata avec surprise qu’elle n’était restée inconsciente qu’une poignée de secondes. Le loup était assis à quelques pas d’elle à peine et il la regardait, de son regard doré si étrange.

– Anaïs ?

Léna se tenait accroupie à côté d’elle et l’observait d’un œil inquiet.

– Ça va ?

Les Légendes d'Engamella - Livre 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant