Chapitre XIV

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Morts.

Ils étaient morts.

Elle revoyait encore leurs corps brûlés sur les pavés de la rue.

Morts.

Et c'était elle qui les avait tués.

– Anaïs ? souffla une voix à son oreille.

La jeune fille était coupée du monde. Plus aucune information ne circulait dans son cerveau.

Elle les avait tués.

– Anaïs ce n'est pas ta faute ! Ils nous auraient tuées si tu ne l'avais pas fait !

– Je n'utiliserai plus jamais ce pouvoir, s'entendit-elle répondre. Je hais le feu.

Seul un soupir lui répondit.

– Quand on est dans notre condition, faut avoir le cœur solide, renchérit une autre voix.

Anaïs sortit soudainement de son mutisme.

– Qui es-tu toi, d'abord ? gronda-t-elle, menaçante.

– Je m'appelle Leira, si c'est ce que tu veux savoir, répondit la jeune fille, un brin hautaine.

– Et qu'es-ce que tu veux ? cracha Anaïs. On n'a pas besoin de toi !

– Oh que si, vous avez besoin de moi. Et moi je veux savoir qui vous êtes.

La brune lui lança un regard assassin.

– Et vas-tu nous dire en quoi tu nous es utile ? Je veux dire, autre que nous emmener je-ne-sais-où avec ta tête de reine du monde.

– Anaïs ! souffla Léna, outrée.

Leira, quand a elle, pinça les lèvres mais ne dit rien, continuant à marcher droit devant elle, la tête haute.

– Léna ! marmonna Anaïs. Viens, on s'en va !

– Non mais ça va pas ? s'étonna sa sœur. On a besoin d'aide, on ne va pas refuser celle-là !

Mais la jeune fille se remémora les paroles qu'Elea avait prononcé, la nuit précédente :

Dans ce Royaume, de nombreux complots existent, certains d'une importance majeure, d'autres moins. Derrière chaque ami peut se cacher un ennemi, derrière chaque sourire, un poignard. Tu devras faire attention, ne pas accorder ta confiance au premier venu. Assure-toi que les gens qui t'entourent ne soient pas des traîtres. Personne, je dis bien personne, ne doit savoir qui tu es, d'où tu viens.

Or, elles étaient en train de faire exactement le contraire de ces directives.

– On est arrivées, déclara Leira en désignant d'un geste de la main une sorte de cabane délabrée dont les murs en torchis paraissaient sur le point de s'effondrer. Venez.

Elles étaient sorties du village et la plaine reprenait ses droits sur le paysage. Une route de terre sèche s'élançait vers l'Est et on apercevait au loin des tours ne pouvant appartenir qu'à une grande ville.

L'endroit dans lequel les fit rentrer leur hôte était à moitié en ruine et des plantes grimpantes l'escaladaient de toutes parts.

– Ce n'est pas là que je vis, leur dit la jeune fille, mais cet endroit à le mérite de procurer toute la discrétion dont nous avons besoin.

Les trois adolescentes s'assirent – à même le sol – et Leira entama :

– Vous n'êtes pas d'ici. J'entends, pas de ce monde. Je me trompe ?

– Non, confirma Léna.

– Vous vous appellez Léna et Anaïs si j'ai bien compris, or ce ne sont pas de prénoms que l'on donne dans ce Royaume. Vous n'avez pas de Léden et pourtant vous ne semblez pas dans le besoin, juste perdues. Et puis vous avez une autre particularité, que je n'ai jamais vu chez personne ici, je pense que vous voyez de quoi je parle. Et ça m'intrigue beaucoup.

Les Légendes d'Engamella - Livre 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant