La traversée

Prologue

Quelle idée... Qu'es qui lui avait pris d'embarquer sur ce maudit navire ? Grogna Yasuo en fixant l'obscurité de la cambuse réaménagée en cabine où il dormait entre les stocks de cornichons et de viandes salées. Il maugréa quelques paroles incompréhensibles à lui-même, le visage crispé par une moue de mécontentement.

Ionie, son pays natal lui manquait déjà. Il revoyait les forêts resplendissantes, regorgeant de créatures extraordinaires. Les sanctuaires oubliés, taillés dans des pierres anciennes imprégnées d'une magie intemporelle. Ce pays où la mana invisible, omniprésente, vibrante, semblait toujours aussi puissant que durant les premiers jours du monde.

Il aimait cette terre et il avait juré que sa lame ne servirait qu'à défendre ce bout de paradis perdu isolé du reste des continents et des civilisations belliqueuses. Son talent, sa maîtrise unique des arcanes, n'avaient qu'un seul but : protéger Ionie.

Yasuo n'était pas un seulement un épéiste de talent. Le vent répondait à son appel. Sous ses gestes précis, les courants invisibles se transformaient en armes redoutables : des bourrasques qui balayaient ses ennemis, des rafales tranchantes capables de fendre l'acier, des tempêtes surgissant à son commandement. Lorsque le vent mugissait sous son contrôle, il devenait une force indomptable, un tourbillon d'acier et de magie qui semblait impossible à contenir.

Les anciens murmuraient que son don était un privilège accordé par la nature elle-même, une bénédiction ! Mais, ce n'était maintenant plus que du passé... Il avait failli, son talent lui avait échappé...

Il se rappelait maintenant pourquoi il était monté sur ce navire. Yasuo se retourna sur sa couchette, le grincement du bois brisant le silence oppressant. Il soupira, à demi-mot : Me voilà dans de beaux draps...

Rejeté par son foyer. Vagabond dans sa propre patrie. Traître à sa nation. Tout ce qu'il avait bâti, tout ce qu'il aimait, s'était effondré. Il ne lui restait plus rien. Enfin... presque rien.

Juste ce contrat. Une opportunité saisie dans un moment de désespoir. Une chance, infime, de se racheter. Et peut-être même un nouveau départ.

Yasuo ferma les yeux, tentant de chasser l'angoisse du passée pour ce concentré sur le présent : sa nouvelle mission. Sa cliente était pour le moins particulière. Elle était apparue dans sa vie comme un éclair au milieu d'un ciel sans nuage. Une inconnue dont il ignorait presque tout, lui tendant la main quand tous l'avaient rejeté, là où tous l'avaient abandonné. Il ignorait tous à son sujet, jusqu'au raison même de leur voyage.

Qu'importe. Il l'avait acceptée. Non pas pour elle. Non pas pour l'or qu'elle lui avait promis. Mais parce qu'elle lui donnait une raison de continuer à avancer. Une mission, un but et une offre qu'il ne pouvait pas refuser : un moyen fuir Ionie.