SES ÉMOTIONS

Chapitre 6 | You are special.

ꨄAlina ꨄ

Flashback

4 ans plus tôt

— Maman, où allons-nous ? demandai-je, confuse.

Tard dans la soirée, ma mère et moi avons pris la route vers un endroit qui m'est jusqu'à présent inconnu. Elle a refusé qu'un chauffeur nous y conduise et ni mon père ni ma sœur ne sont au courant de notre sortie.

— Là où les réponses à tes questions se trouvent, répond-elle.

Je regarde la route déserte sans comprendre sa réponse. En regardant par la fenêtre, je remarque un temple avec des écritures japonaises en haut. Submergée par sa beauté, je tapote l'épaule de ma mère pour attirer son attention sur ce temple.

— Hum ? demande-t-elle en regardant la route.

— Regarde, maman, un temple avec des écritures japonaises.

Confuse, elle regarde dans la direction que je lui ai indiquée, puis son regard se reporte vers moi.

— Es-tu sûre de voir un temple, ma princesse ?

— Oui, là-bas, montrai-je en le pointant du doigt.

Mais elle a l'air de ne pas le voir. Je secoue son épaule et lui montre encore et encore pour qu'elle ne pense pas que je suis folle.

— Alina, me stoppe-t-elle.

Entêtée, je persiste, mais une lumière aveuglante surgit sur la route. Il s'agit d'une voiture hors de contrôle qui s'approche dangereusement de nous.

— Alina, baisse-toi vite ! m'ordonne-t-elle en haussant le ton.

À peine ai-je exécuté son ordre que la voiture nous percute et ma mère se cogne violemment la tête contre le volant.

— Maman ! m'écriai-je, apeurée par le sang qui coule de sa tête.

J'ai une horrible migraine, mais pour l'instant, seule ma mère compte. Je m'approche difficilement d'elle et essaie de la réveiller en la secouant. La peur, l'angoisse, la douleur, tout se liquéfie pour tomber le long de mes joues.

— Maman, réveille-toi, suppliai-je d'une voix tremblante.

Elle ouvre difficilement les yeux, puis me dévisage avec ses yeux verts, cachés par ses cheveux roux, encore plus rougis par son sang, comme si elle voulait mémoriser les traits de mon visage.

Non...

Je prends rapidement son téléphone dont l'écran est cassé pour essayer d'appeler mon père, mais il ne fonctionne plus.

Coincée dans la voiture, je crie, hurle, implore pour que quelqu'un vienne nous aider.

— Alina, prononce la voix affaiblie de ma mère.

— Maman, sanglotai-je, impuissante et désespérée, ne sachant plus quoi faire.

— Ne pleure pas, ma princesse, je suis là. Tu ne pourras plus me voir, mais je serai toujours là pour toi.

— Maman, arrête, dis-je pour qu'elle ne fasse plus d'effort.

— Tu es spéciale, Alina, ne laisse personne te dire le contraire... Ai shiteru...

Sa dernière phrase fut dite dans un soupir avant que ma mère, la seule personne qui m'aimait et me comprenait, ne ferme les yeux pour toujours...

Du coin de l'œil, j'aperçois une lumière bleue et rouge, la sirène d'une ambulance. Mais tout cela n'est qu'un arrière-plan car la seule chose que je vois est Hana Suzuki, celle qui m'a donné naissance, celle qui voulait m'aider pour tout, celle qui ne me jugeait pas, mourir devant mes yeux, incapable et apeurée.

C'est ma faute...

Tout est de ma faute...

Je me sens éloignée d'elle, attirée en arrière, tandis qu'un autre homme emporte ma mère je-ne-sais-où.

— Arrêtez ! criai-je. Laissez-moi avec elle, elle n'est pas morte !

Mais personne ne m'écoute. Mon regard se reporte alors vers la voiture qui a causé la mort de ma mère. Un homme en sort, mais je n'arrive pas à distinguer son visage. Ce qui est sûr, c'est qu'il a tué ma mère... et moi la première...

Fin du Flashback

Russie

Manoir Fedorov

21h50

Je n'oublierai jamais cet accident... en partant, Hana est aussi partie avec mon âme.

Je suis morte avec elle.

Mon visage sur mes genoux, j'observe les invités partir un par un depuis le balcon, jusqu'à ce qu'il n'y ait plus aucun bruit en bas. J'ignore combien de temps je suis restée ainsi, mais cela n'a plus d'importance pour moi.

— Maman, souffle-je dans un nouveau sanglot. Je suis spéciale seulement à tes yeux.

Des mains se posent sur mon épaule et m'entourent rapidement. Je reconnais cette odeur.

— Ça va aller, d'accord ? me murmure Maria en me caressant les cheveux. Je suis là, tout va bien.

Et là, j'explose de plus belle.

Après plusieurs mots doux de Maria et des sanglots en réponse, elle se détache de moi et m'informe qu'on m'attend en bas.

En voyant son regard, je m'attends au pire.

Et j'avais raison. En arrivant en bas, je découvre deux valises qui doivent sans doute être les miennes. Le salon, autrefois bondé, est maintenant vide. Il ne reste que Damien, son père et le mien.

Mon père me scrute avec le même regard. Je crois savoir pourquoi, vu mes yeux encore mouillés de larmes.

— Tu es enfin là, ma chérie, remarque mon géniteur en s'approchant de moi et essuyant mes larmes. Il est temps de quitter ton nid et de rejoindre ta future belle-famille.

Belle-famille...

Alessandro m'adresse un sourire rassurant tandis que son fils rejoint une voiture noire sans me regarder. Un homme prend mes bagages et se dirige également vers le véhicule.

— Prends soin de ma fille, Ales', susurre mon père.

Ils échangent un regard avant que mon futur beau-père ne m'invite à le suivre.

— Père, murmurai-je pour qu'il soit le seul à m'entendre, espérant qu'il change d'avis.

Mais il ne me regarde déjà plus. Je m'enfonce donc dans cette voiture qui me conduira dans ma nouvelle demeure, ma nouvelle vie.

Et j'ignore si ce sera mieux qu'ici ou le commencement de mon nouvel enfer...

Mais j'espère secrètement mourir pendant ce trajet et enfin rejoindre ma mère.

Je ne crois pas que ce soit trop demander...

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