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Chapitre 39

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* * *

La vie de Jungkook avait pris une étrange tournure, ces derniers temps.

C'était probablement normal, quand on avait un accident de voiture et qu'on finissait la soirée aux urgences avec un traumatisme crânien et un hématome extra-dural, puis qu'on passait la semaine qui suivait dans un coma artificiel après une trépanation - en gâchant par là-même la lune de miel aux Seychelles de ses meilleurs amis et en obligeant les autres à contempler un corps endormi et immobile pendant des heures et des heures - puis en les faisant tous pleurer lorsqu'il était revenu des profondeurs abyssales de son sommeil forcé.

Le réveil avait été compliqué. Il avait l'impression d'avoir repris conscience lentement, en entendant des bribes de voix, qui semblaient d'abord venir de très loin, si loin que les mots étaient impossibles à saisir - il n'entendait que leur mélodie. Puis il s'était rapproché de la surface, petit à petit, et il avait reconnu une voix en particulier, à laquelle il s'était raccroché, parce qu'il était terrifié, prisonnier de son corps, et que cette voix était la seule chose qui parvenait à atténuer la peur.

Puis il avait émergé, et il y avait eu l'incompréhension, la souffrance, la panique - le masque qui lui bloquait la bouche, la perfusion enfoncée dans sa main, la douleur dans la tête, les membres affaiblis, la fatigue qui pesait sur lui - et, à travers tout ça, la voix, toujours la même. La voix qui l'avait guidé, comme un fil d'Ariane, et qui l'avait aidé à retrouver son calme.

La voix de Taehyung.

Taehyung, qui ne l'avait pas quitté. Qui était resté jour et nuit à l'hôpital après son accident.

Taehyung avait une mine atroce. Il était toujours aussi beau, bien sûr, mais ses yeux étaient rouges, sa peau était pâle, ses cernes étaient violacés. Il n'avait pas besoin de le dire pour que Jungkook comprenne que son accident (dont il n'avait d'ailleurs aucun souvenir) l'avait assommé comme sac de briques. Une deuxième fois, il avait failli perdre quelqu'un qui lui était cher dans un taxi.

C'était peut-être pour cette raison que Taehyung ne quitta pas son chevet au cours des jours qui suivirent, surtout lorsqu'il fut transféré hors du service de soins intensifs, dans une chambre normale, où le nombre de visiteurs et les durées des visites n'étaient pas limités.

- Tu ne vas pas travailler ? lui demanda Jungkook en se réveillant un matin et en voyant qu'il était là, après avoir passé la nuit sur la chaise à côté de lui. Tu étais déjà là hier... et avant-hier...

- Et tous les jours avant, sourit Taehyung. Non, j'ai dit à mon secrétaire que j'étais absent pour cause de problème personnel. Mais bon, il va bien falloir que j'y retourne... J'ai des dossiers qui s'accumulent et des collaborateurs qui sont mécontents que j'aie annulé tous mes rendez-vous avec eux.

Pour autant, il n'alla pas au travail le lendemain, ni le surlendemain, et Jungkook commençait à s'inquiéter pour lui, même si Taehyung ne disait rien.

- Taehyung, finit-il par dire le jour où on lui annonça qu'il allait bientôt pouvoir quitter l'hôpital. Il faut que tu retournes au travail. Tu ne peux pas continuer à être absent à cause de moi.

Taehyung le fixa, l'air d'être sur le point de protester, puis il baissa la tête - lui aussi, il le savait bien.

- J'ai un peu peur, en fait, avoua-t-il à mi-voix.

- Peur ? Peur de retourner au travail ?

- Non, pas ça. J'ai peur de te laisser seul.

Jungkook ouvrit des yeux ronds.