JEALOUSY ✶

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Après le départ de Sœur Mathilde, Isabelle demeura un long moment immobile, le regard perdu dans le vide, contemplant sans les voir les vitraux chatoyants de l'église

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Après le départ de Sœur Mathilde, Isabelle demeura un long moment immobile, le regard perdu dans le vide, contemplant sans les voir les vitraux chatoyants de l'église. Comment avait-elle pu être si aveugle, si sourde à sa propre détresse ?
Ce "clouc, clouc, clouc" lancinant n'était autre que le fruit de ses propres larmes, tombant une à une sur les pages jaunies de sa bible. Cette révélation la frappa de plein fouet, la laissant emplie d'un sentiment d'absurdité et de honte.

Grand Dieu, qu'elle se sentait sotte.

Le carrosse qui la ramenait chez elle cahotait sur les pavés inégaux, son balancement erratique faisant écho aux soubresauts de son estomac noué. Chaque retour au domicile familial était pour elle une épreuve redoutée. Si cela n'avait tenu qu'à elle, elle aurait volontiers passé ses journées entières dans le sanctuaire de l'église, ne serait-ce que pour éviter les rencontres fortuites avec sa sœur ou son cousin.

Qu'on ne s'y méprenne point : elle n'avait aucune raison objective de haïr sa sœur. Cette dernière incarnait la quintessence de la vertu, un parangon de douceur, de bonté et de beauté, dont la seule présence suffisait à illuminer une pièce. Et c'était précisément cette perfection qui exacerbait son irritation, attisant les flammes de sa jalousie inavouée.
Toutes ces missives enflammées jadis adressées à Edmond, dans l'espoir vain qu'il renonçât à sa sœur pour succomber à ses propres charmes, lui arrachaient désormais un rire amer, teinté de mépris envers sa naïveté passée.

Quelque chose d'autre l'exaspérait ; Isabelle n'était plus une enfant. À dix-neuf ans, elle se devait désormais de trouver un époux.
Un époux.

Elle se demandait si Dieu serait aussi receptive cette fois-ci, si elle lui demandait de faire disparaître le malheureux. À cette idée, un sourire se glissa sur ses lèvres ; si quelqu'un pouvait lire dans ses pensées, on l'accuserait certainement de sorcellerie.

L'arrêt brusque du carrosse indiqua à la jeune femme que sa destination tant redoutée se trouvait à quelques pas. Elle descendit du véhicule, aidée par un serviteur, chaque pas la rapprochant inexorablement de cette maison. Elle gravit les marches lentement, se retrouvant ainsi dans l'antre du loup. Un jeu de mots amusant, songea-t-elle, car elle était tout sauf un agneau.

Une agitation inhabituelle régnait, une effervescence festive. La dernière fois qu'un tel tumulte avait eu lieu, c'était pour le mariage imminent de sa sœur. Mariage ? Oh non. Elle ne comprit même pas comment elle se mit à courir, montant les escaliers pour atteindre la chambre de sa sœur. Devait-elle frapper ? Normalement, oui. Mais assaillie par mille pensées, elle n'eut même pas l'envie de le faire.

À peine le battant eut-il pivoté sur ses gonds qu'Isabelle perçut la voix de sa sœur, empreinte d'une réprobation à peine voilée.

‒ Isabelle, tu n'ignores point combien notre tante abhorre ce genre de comportement, rétorqua-t-elle sans daigner lever les yeux du volume qu'elle feignait de parcourir.

𝙇'𝙖𝙧𝙘𝙝é𝙩𝙮𝙥𝙚.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant