Chimères de l'outre-monde

Sécheresse

       La chaleur écrasante. Les vastes étendues désertiques. L'herbe grillée. Les rivières asséchées. Les arbres et les animaux morts. Cela fait des mois qu'il n'a pas plu dans la savane. Les prédateurs sont trop affaiblis pour chasser les herbivores qui pourtant meurent, faute de nourriture. La faim règne en maître. Mais l'arrivée d'un nuage d'orage ravive l'espoir. Tous les habitants de la savane l'observent, guettant l'eau tant attendue. Pourtant, rien ne coule. Des plaintes déchirent la savane.
    Au sommet de la plus haute falaise de la région, un lion blanc court vers le vide. Sa patte arrière gauche ne suit pas la cadence et sa démarche est clopinante. Il ne voit plus qu'avec son œil droit, le gauche scellé à tout jamais par une profonde balafre. Son pelage est clairsemé, salé et parsemé de croûtes et de coupures infectées. Son regard n'est que souffrance. Tant bien que mal, le lion arrive au bord du précipice, avec le plus d'élan possible. Il saute mais, avec son état, cela ressemble plus à une chute désespérée qu'à un bond gracieux. Mais il saute, visant le ciel inatteignable. Mais une chose improbable se produit. Il reste en suspension dans les airs, comme s'il se tenait sur un sol invisible. Pas surpris pour un sou, il s'élance vers le nuage porteur du précieux liquide. Une fois à son niveau, il entreprend de le déchirer à grands coups de griffes en poussant un rugissement semblable à un coup de tonnerre. L'eau coule comme d'une outre percée. Elle s'abat sur la savane, s'infiltre dans les sols et reconstitue les fleuves. La pluie est de retour. La vie aussi.

     Pour le remercier de son sacrifice,
Le lion blanc put demeurer dans le ciel
              Et se transforma en étoile.