Chapitre 16

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Nous rentrons sans un mot au domaine Green. Notre arrivée se fait dans le tumulte de l'accueil joyeux des filles, heureuses de nous retrouver. Mais les mines que nous abordons n'ont rien de victorieux, et nous mettons tout sur le compte de la fatigue. Évidemment, nous sommes exténués, mais il n'y a pas que ça... Le médecin nous oscule rapidement, nous prescrivant surtout du repos pour nos blessures. Il donne des antibiotiques à Hugo, pour éviter que sa blessure ne s'infecte, et nous montons.

Mon cousin me suit dans ma chambre :

- Qu'est-ce qu'on fait maintenant ? je demande. Je ne me sens pas à l'aise avec le fait d'être ici alors que ton père a potentiellement tué le mien.

- Je comprends, dit Hugo. Je ne serai pas à mon aise non plus, à ta place. C'est une des raisons pour lesquelles je ne voulais pas t'en faire part...

- On ne va pas revenir là-dessus, je le coupe. A partir de maintenant, dès que tu découvres quelque chose, tu m'en parles, d'accord ?

Je lui tends mon petit doigt, qu'il serre du sien.

Une promesse nous lie maintenant et, même si j'ai longtemps douté sur les véritables intentions d'Hugo, je réalise qu'il ne voulait que protéger sa famille. Ma première intuition était correcte : Hugo est une bonne personne.

Quelques secondes s'écoulent entre nous, alors qu'il s'assoit au bord de mon lit, puis soupire :

- Tu penses vraiment que mon père ait pu faire ça ?

Son regard est perdu dans le lointain du soleil déjà levé à l'horizon. Je hausse les épaules, même s'il ne le voit pas.

- Il faut être réaliste, Charles est sorti de l'entrepôt quelques minutes après la mort de mon père. Il n'y a pas de preuve plus accablante que ça... Je sais que c'est Charles, j'annonce d'un air certain. J'aimerai juste comprendre son mobile...

- Je sais, soupire-t-il, une main dans les cheveux. Je sais que cette preuve veut tout dire, au fond.... Mais avec toutes ces histoires et ces complots, je ne peux m'empêcher de vouloir mener l'enquête, tu comprends ? Je veux voir ce que je peux trouver.

- Évidemment, j'assure. Et je te soutiendrai, ne t'en fais pas.

Il hoche la tête, puis se lève pour me rejoindre et... il fait une chose à laquelle jamais je ne me serai attendue. Il me prend dans ses bras. Je sens ses épaules s'affaisser contre mon torse, et je prends conscience de la pression et de l'inquiétude qui l'assaillent. Je lui rends son étreinte et lui chuchote que ça va aller. Il me brise le cœur, à avoir l'air si désemparé.

- Je suis content que tu sois au courant, murmure-t-il. C'est moins dur à porter, maintenant. Et je n'ai jamais voulu te cacher quoi que ce soit. Mais, je n'aurai jamais cru que tu serais encore là après ce que je t'ai annoncé...

Je ricane ; moi non plus, je n'y aurais pas cru. Mais Hugo n'a aucune idée du caractère déterminé de mon être : je veux gagner. Maintenant que je comprends les enjeux et le pouvoir qui découlent de la possession d'argent : j'en veux aussi. Pour maman, et pour papa.... Pour gagner, je dois rester ici, même si ça implique de vivre avec le potentiel meurtrier de mon père. Cette idée me fait froid dans le dos.

- Je te laisse dormir, termine Hugo.

Sa voix est cassante, et ses yeux vitreux lorsqu'il sort de la pièce. Je peux aisément dire que je n'ai plus aucun doute sur sa sincérité. J'aurais voulu lui dire que pleurer devant moi n'est pas un signe de faiblesse, mais je comprends son besoin de rester seul pour tout lâcher. Mais je n'ai pas le temps de me poser davantage de questions sur son état mental. Ma tête touche l'oreiller, et je tombe dans un sommeil profond.

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