Chapitre 2 : Noah

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— J'ai mal à la gorge.

— Tu dis ça avant chaque concert, tu essaies de me tuer ou quoi ?

Sans répondre, je me contente de continuer à appliquer un peu de maquillage sur mon visage, si proche du miroir que le bout de mon nez entre en contact avec la surface froide.

— J'essaie d'obtenir un énorme grog chaud, rétorqué-je l'air de rien. Avec du miel.

— Et surtout avec beaucoup, beaucoup plus de rhum que de lait dedans, ajoute mon autre frère Alan en ricanant.

— Comment ça beaucoup de rhume ?

— Du rhum, Hugo, il veut picoler.

— Ah. Va falloir consulter pour vos problèmes de bouteilles, les mecs.

— C'est pas l'hôpital qui se fout de la charité ? maugréé-je. Ta femme sera la première à t'emmener en désintox.

Il se marre tout en réajustant la pédale de sa batterie. Quelques accords résonnent dans l'air et je tourne mon attention vers Gabin qui tripote innocemment sa guitare, feignant de ne pas écouter, mais je ne suis pas totalement con. Notre benjamin a beau se tenir en dehors de ces conneries « adultes », il n'en est pas moins un bon gros gars de la fratrie. C'est le même sang qui coule dans ses veines et le fait qu'il ait rejoint le groupe alors qu'il était encore mineur en est un exemple. C'était... il y a si longtemps que j'ai du mal à bien compter et me rendre compte. Il a toujours seize ans, pour moi. Peut-être parce que nous avons laissé le temps filer, les années s'écouler sans prendre le temps. C'est de toute façon la raison pour laquelle, cette fois, Halloween se fait sans aucune décoration dans mon appartement : pas de compagnon pour décorer à mes côtés. Je rate un trait de liner à cette pensée désagréable et grommelle avec un agacement qui me vient beaucoup trop vite. Penser à Loïc est toujours une mauvaise idée après la façon dont il a mis fin à notre relation. J'ai toujours le sentiment que son départ date d'hier, que ses mots n'ont pas encore eu le temps de faire le chemin entre mes deux oreilles, et pourtant c'était il y a des mois.

— Tonio a promis à Isa que je serai sage, rétorque Hugo en étirant son gigantesque corps.

— Je trouve gênant que ce soit lui qui lui fasse cette promesse...

— Bah, il a la clef des placards du bar, quoi.

Je détache mon attention de l'échange entre Alan et Hugo, mais tombe presque aussitôt dans le regard brun de mon aîné. Simon est un peu plus doux que les deux autres qui se chamaillent et je comprends à son expression et à la façon dont il se penche vers moi que je ne vais pas aimer être le centre de son attention à lui.

— Tu restes à l'after, ce soir ? souffle-t-il.

— Mec, on sait que quatre-vingt pour cent des fans qui restent aux afters sont des ado en chaleur, répliqué-je en soupirant.

— Ou en rut, ajoute Gabin qui visiblement n'est pas si détaché que ça.

— Ouais, ben j'ai pas spécialement envie de me taper un gosse qui a la moitié de mon âge, j'ai mieux à faire que me retrouver en tôle.

— Je suis à peu près sûr que si on reprend des cours de maths, ils sont majeurs depuis un bail quand ils ont « la moitié de ton âge », en fait..., observe Alan en tournant la tête vers nous.

— Vos gueules. Hugo, lance un truc, faut que je me dérouille.

— A condition que tu dérouilles un cul ce soir, parce que tu commences à virer vieux célibataire.

BIJOU - L'étincelle des esseulésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant