Absolument personne n'en a rien eu à foutre des chaussures de Raphaël Dubois, je peux en témoigner. Lorsque nous sommes en extérieur, l'attention du monde entier semble converger sur Ocean. Son teint bronzé et sa peau absolument parfaite, dont il passe des heures chaque semaine à prendre soin, ses yeux profondément bleus et le sourire le plus éblouissant que vous aurez jamais vu sont ses armes les plus efficaces pour obtenir tout ce qu'il souhaite. Je n'ai jamais su où ni comment il a dégoté ce perfecto bleu, mais je suis certain qu'il doit être le seul mec de la ville à savoir comment le porter juste en respirant. Ses longues jambes fuselées sont couvertes d'un pantalon dont on dirait qu'il a été peint à même sa peau. Ça ne fait qu'ajouter à sa grâce naturelle, due aux années de danse classique qu'il a suivies avant de choisir d'arrêter au profit de ses études. Un drame, si vous voulez mon avis. Une chute de reins comme celle-ci est introuvable sans un travail acharné qui forge le corps. Comme Ocean le dit lui-même, peu importe à quel point vous semblez parfait en tant que personne, rien n'est un dû, vous devez y travailler dur, jour après jour pour l'obtenir et ensuite pour le garder. Je le soupçonne de continuer à s'entraîner en secret toutes les semaines.
Lorsqu'Ocean devient insécure à propos de lui-même, il semble que me parler est la meilleure façon qu'il ait trouvée pour rassembler ses esprits et se reprendre. Je le laisse toujours faire, en silence, mes doigts glissant dans ses courts cheveux bruns jusqu'à ce qu'il en ait assez de se plaindre et retrouve son quotidien de mec un peu imbus de lui-même et si confiant qu'il rend la moitié de la ville jalouse de lui.
Dehors, l'air moite à la tombée de la nuit caresse mon visage ; pour une fois qu'il ne pleut pas cet été ! Les rues sont cependant encore humides et il est plaisant de se promener le longs des bars ouverts, jusqu'à pénétrer dans l'un d'eux en particulier. Derrière le grand comptoir, notre vieil ami nous salut avec un immense sourire et un léger geste. Ocean hâte le pas pour le rejoindre, mon humble personne sur ses talons.
— Salut Tonio !
— Raph, Ocean ! Quoi de neuf, les mecs ?
Tonio, c'est le genre de gars qui affiche toujours un sourire chaleureux, déjà avant qu'il ouvre son bar. Immense, avec des mains qui vous secouent quand vous faites une connerie. Je me souviens d'elles une fois sur mon corps, de leur chaleur, de leur tendresse et son regard amical sur moi alors que j'en serre une me fait effacer toute trace de sexe de mon esprit. Si j'ai un peu refroidi des attentions d'Ocean depuis tout à l'heure, je marche sur une corde raide, que j'adore mettre en place pour ce genre de soirées. Je suis à deux doigts de bander à la moindre pensée qui part dans ce sens. Mon ami le sait et son sourire torve sur tout le chemin, ainsi que ses sous-entendus pour me rendre chèvre, en attestent.
— Eh bien tu sais, Raphël était coincé avec sa langue tout le mois, impossible de sortir !
— C'est pour ça que tu venais tout seul ?
— Ouais, un grand malheur, Raph sait comment se marrer, hein...
Haussant les épaules, je me hisse sur un des tabourets en bois qui lui font face.
— Oh, ne t'en fais pas que ça va se rattraper et que quelques personnes ne se plaindront certainement pas de ce choix.
— Je n'en doute pas, ricane Tonio. Bière ?
— T'as les meilleures.
Quelques secondes plus tard, deux pintes sont poussées devant nous. Mes doigts se referment sur la anse de la chope, le froid du verre se répandant sur ma peau et j'observe dans le bar encore peu rempli. Je sais que ça ne durera pas.
— Qui doit jouer ce soir ? demandé-je.
— Courage.
Et juste à ce mot-là, son sourire devient encore plus grand. Peut-être parce qu'Ocean ouvre de gros yeux avec un cri aigu. Ou parce que je bondis presque de mon tabouret et me retiens de justesse de me casser la figure alors que je suis encore sobre. Ou tout ça à la fois. Est-ce qu'il a bien dit ce que je crois qu'il a dit ?
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BIJOU - L'étincelle des esseulés
RomansaRaphaël, perceur de métier, est un homme taciturne qui se satisfait du cours de sa vie, aussi n'imaginait-il pas rencontrer, encore moins échanger, avec son groupe de musique favori et son chanteur lors d'une soirée dans le bar d'un ami commun. Quan...