~Twenty

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Nissy n'arrivait pas à dormir.

Était-ce parce qu'elle ne cessait de ressasser tout ce qu'il s'était passé ?

Elle avait réussi son pari.
Elle avait gagné son gage.

Alors pourquoi ne l'avait-elle pas dit aux autres, pourquoi continuait-elle ce gage qui était déjà fini ?

Elle se retourna dans son lit pour la énième fois, le sommeil ne la gagnant pas.

De par delà son châssis fixe, Nissy pouvait apercevoir les étoiles qui se regroupaient en masse dans le ciel noir, comme si chacune d'elles avait trop peur de rester seule à tout jamais.

Elle aperçut, du coin de l'oeil, une forme se mouvoir dans les airs, majestueuse, puis ses ailes se replier dans les ténèbres et elle le vit sombrer par delà sa fenêtre.

Aussitôt elle se leva de son lit, en chemise de nuit, ne trouva pas ses pantoufles cachées sous le lit et décida d'y aller sans, refermant la porte du dortoir derrière elle.

Nissy dévala les marches de la salle commune, sortit en trombe dans les couloirs avant de courir, ses pieds nus glissant sur les dalles froides.

Elle fit attention à ne croiser aucun surveillant et passa par un petit passage peu emprunté pour se rendre dans les jardins sous les fenêtres des Gryffondor.

Elle s'arrêta, lâchant finalement les pans de son pyjama, pour observer autour d'elle les hautes herbes qui l'attendaient sans bruissement ni souffle de vent.

Il était là, elle l'apercevait battre des ailes, fatigué, épuisé d'avoir tant voyagé, d'avoir tant souffert dans tant de contrées éphémères sans jamais n'avoir rien vu d'autres qu'un paysage désert dénué de gens de son espèce.

Elle s'approcha, s'accroupissant sur l'herbe pour le prendre dans le creux de sa main avec tendresse, ses pupilles se dilatant pour l'observer plus intensément.

-"Tu as dû te faire mal." Murmura-t-elle en frôlant son aile abîmé. "D'où viens-tu, petit papillon ?"

Elle observa ses antennes pennées et son corps grêle, avant de soupirer.

-"Tu ne survivras pas, petite phalène." Elle plissa ses lèvres. "Tu n'es faite que pour vivre la nuit, et bientôt le soleil se lève."

Elle releva la tête vers la nuit qui s'envolait, puis la baissa vers le pauvre insecte.

Les phalènes, sous leurs formes de larves, étaient des nuisances pour la flore autour d'eux, mais se développaient en de beaux papillons de nuit donc l'éphémérité resplendissait par sa nostalgie.

Elle l'observa, avec une tendresse triste, caressant son bout d'aile.

Lui n'avait même pas pu accéder à l'entièreté de sa courte existence, mourrait juste avant le lever du jour, n'aura pas profiter de la puissance de ses ailes jusqu'au tout dernier instant, c'était risiblement ironique.

Lui qui n'avait que quelques heures n'arrivait même pas à survivre jusque là.

Lui qui n'avait pour seul objectif que de profiter de sa liberté si durement acquise après avoir tant souffert pour éclore s'effondrait avant d'atteindre sa fin.

Elle se releva, allant l'emmener dans un endroit qu'il n'était pas prêt d'oublier.

D'un pas lent et calme, elle le garda dans la paume de sa main, observant son corps qui se tordait pour tenter de tout apercevoir, de tout garder en mémoire.

-"Professeur."

Dumbledore se tourna légèrement vers Harry, tout en haut de la tour d'astronomie.

Il était faible, avait la gorge sèche, et jusqu'alors le garçon avait semblé se préoccuper de son état comme si c'était le monde entier qui risquait de s'écrouler, mais il eu fallut d'un seul regard en contrebas pour qu'il oublie tout et que son esprit reste ancré sur une seule personne qui marchait dans l'herbe asséchée.

-"Oui, mon garçon ?" Souffla Dumbledore, fatigué du voyage qu'ils venaient de faire pour récupérer le médaillon de Salazar.

-"Est-ce que vous vous y connaissez, en papillons ?"

La question soudaine fit lever un sourcil au vieillard, qui l'invita à continuer sa requête.

-"Que pensez-vous des Azurées du serpent ?" Demanda alors Harry en se tournant pleinement vers lui.

-"L'Azuré du serpolet." Corrigea Dumbledore.

Harry hocha la tête, attendit.

-"C'est un très beau papillon." Commença-t-il et le garçon se pinça les lèvres.

-"Il n'a rien d'autres de particulier ?"

Dumbledore se racla la gorge, la vue encore embrouillée.

-"C'est un papillon dont la chenille se cache parmi les fourmis, dégageant la même odeur qu'une reine fourmi afin de se faire nourrir par ces dernières jusqu'à atteindre l'éclosion. C'est un papillon rusé qui s'infiltre dans une colonie pour satisfaire ses besoins."

Harry abaissa alors sa tête vers Nissy en contrebas, qui s'était assise sur un haut rocher et admirait les cimes des arbres avec la main ouverte vers le ciel.

L'Azuré était donc un imposteur, qui se cachait parmi la masse sans jamais se dévoiler.

-"Pourquoi cette soudaine curiosité ?" Demanda le doyen.

Harry haussa les épaules vaguement.

-"Je me suis trompé, je pensais qu'il ressemblait à quelqu'un que je connais, mais j'étais loin de la vérité."

Un bruit, alors, dans la nuit froide de l'oubli.

Un craquement de branches, un grincement de planches, un grondement de vent.

Nissy releva la tête vers la tour d'astronomie au-dessus d'elle, observa une masse de cheveux s'éclipser depuis le balcon à toute vitesse.

L'air s'était glacé, la nuit s'était assombrie.

Elle sentait que quelque chose se passait, n'arrivait pas à tout saisir.

Sa main tressailla, elle se fouetta immédiatement avec ses cheveux en se tournant vers cette dernière, où la Mort venait de s'abattre.

-"Non."

Elle s'accroupit dans l'herbe, lâchement, ses jambes la lâchant, caressa le papillon dont les ailes étaient retombées sur les plis de son pouce, dont les antennes s'étaient adressées sur la phalange de son index.

C'était fini, il aurait pu vivre encore quelques heures mais s'était assoupi, s'était laissé aller après avoir pu observer une toute dernière fois ce ciel qu'il avait tant aimé parcourir, il s'était endormi contre un corps chaud qui lui avait apporté assez de réconfort pour qu'il ait le courage de s'envoler une toute dernière fois à tout jamais.

Nissy sentit une grimace abîmer ses lèvres, elle abaissa sa main, posa la perite créature sur le rocher en espérant que son corps soit touché par les tous premiers rayons du soleil, que sa dépouille puisse elle au moins observer ce que son âme ne pourrait jamais.

Et un son, un cri peut-être, un adieu déchirant en silence, un éclair qui déchira le ciel céleste.

Nissy se retourna, laissant son regard glisser sur ce corps qui chutait depuis la tour d'astronomie, ce corps qui se couvrait lui-même du linceul de ses propres mèches.

Un bruit sourd d'un objet s'écrasant contre la terre ferme.

Les jambes de Nissy se firent changeantes, elle se leva, se tenant au vent, s'approcha, posa sa main sous les narines du professeur.

-"Nissy !"

Will accourait, en pyjama, une lampe en main, précédé de McGonagall et d'autres qui avaient entendu le boucan qu'avaient causés les meurtriers en arrivant.

Les longs cheveux de Nissy se mélangeaient à ceux du pauvre hommes, ils entouraient le frêle corps de la jeune femme en nuisette et dont les joues rosées juraient avec la pâleur de ses traits.

-"Mort." Déclara-t-elle calmement.

Albus Dumbledore était mort.

ᏴᎡᏫᏦ-ᎬN(Ꭰ)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant