3 Décembre

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Je dois m'avouer vaincue. Même si j'ai tout fait pour ne pas penser à Ornelia, je n'y arrive pas. Des années de guerre, à me battre, à résister à toutes formes de torture, à affiner mon esprit, tout ça pour me retrouver sans défense face à une délicieuse petite fée.

Je me sens ridicule.

Je passe la porte du nouveau café qui a ouvert dans le quartier voisin. Ouvert vingt-quatre heures sur vingt-quatre afin de toucher les nocturnes et les diurnes, la pancarte aux couleurs pastels contraste avec les murs noirs de la grande salle. Tout est coloré, joyeux, mignon, agrémenté de plusieurs petites plantes d'un vert éclatant. L'obscurité des murs n'est là que pour renforcer le rose, le jaune, le bleu et le vert qui remplissent les étagères et les tables. Même le comptoir blanc laqué est pailleté de plusieurs couleurs. L'ambiance générale est légère, et tous les clients ont un large sourire aux lèvres. Même la musique est douce et pétillante.

Je m'assois à une table, et commande une tasse de sang. La gaieté des lieux n'arrive pas à dissiper les ombres autour de moi, ni les ténèbres de mon esprit. Une vampire aux cheveux roses pose devant moi une tasse en porcelaine, dont les fines décorations peintes à la main représentent de petits animaux mignons. Je lui réponds par un sourire de politesse, avant de porter à mes lèvres ma boisson. Le sang est tiède, mais doux. Tout dans cet endroit respire l'enfance et la mignonnerie, pourtant je n'arrive pas à me détendre.

Trop coloré. Trop heureux. Trop de sourires.

La petite clochette de l'entrée tinte d'un son clair, annonçant l'arrivée de nouveaux clients. J'avale une nouvelle gorgée de ma boisson, tout en parcourant le menu des yeux, lorsqu'un frisson descend le long de ma colonne. Un frisson qui n'est ni de la peur, ni de la crainte, et bien loin du dégoût. Mon corps a juste senti quelque chose, quelqu'un.

Je relève les yeux, et vois immédiatement l'origine de ce sentiment, l'objet de toutes mes pensées.

Ornelia, essuie ses mains sur son jean, tandis que ses magnifiques yeux bleus cherchent désespérément une place où s'asseoir. Ses cheveux bruns sont relevés en queue de cheval, dégageant les traits délicieux de son visage. Sa tenue n'a rien de spécial - un pull blanc et des baskets - mais je la trouve encore plus sexy et séduisante que lors de notre rencontre.

Je secoue la tête, tentant vainement de me concentrer sur le menu. Les mots se mélangent, et mes yeux ont du mal à rester sur les images des plats, encadrées de rose poudré. Je relève une fois de plus le regard vers elle.

Elle n'est que douceur et extravagance. Elle dégage une énergie lumineuse qui fait doucement reculer les ombres en moi. Elle m'attire comme la lumière bleue qui envoûte les insectes, comme les fleurs appellent les abeilles, comme le sang séduit les vampires.

Je suis sûre qu'elle a un goût délicieux, de soleil et d'été, et que sa peau sous ma langue aurait des saveurs florales.

Si je n'étais pas techniquement morte, mes joues rougiraient aux pensées obscènes d'elle et moi.

Un sourire sincère se dessine sur ses belles lèvres lorsqu'elle me voit. Elle sautille dans ma direction, de petits tournesols poussant dans ses cheveux.

"Lucia ! Je suis heureuse de te voir ! Je peux m'asseoir ? Je ne suis jamais venue ici avant. Tu connais ? C'est bon ?"

Elle enchaîne les questions réponses en prenant place face à moi, et me prend délicatement des mains le menu pour l'inspecter. Ses yeux s'agitent dans tous les sens, découvrant les boissons, gâteaux et sandwichs proposés, sans cesser de parler, ni attendre une seule de mes réponses.

J'aime sa voix. Je ne veux pas qu'elle arrête de parler. J'aimerai l'entendre rire. L'entendre pleurer. L'entendre me crier dessus. L'entendre gémir...
"Tu vas bien ? Tu as l'air... Gênée."

Éclat de lumièreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant