KURTIS
Je pose le carton dans un coin de la petite chambre qui est dorénavant mon chez-moi.
— Ça ira ici ? m'interroge Gabin.
Je tourne mon regard dans sa direction alors qu'il me désigne le lit qu'on m'a attribué.
— Oui, merci.
Ma voix est la plus agréable possible étant donné les circonstances. Je crois que je vais devoir me forcer à m'impliquer dans cette nouvelle vie, si je veux m'en sortir. La dernière fois où j'ai dû dormir dans une chambre avec une autre personne remonte à longtemps et je préfère franchement oublier ces années-là.
Ouais, c'est encore trop douloureux.
J'étudie les lieux autour de moi. La pièce, de seulement quelques mètres carrés, m'encercle, m'étouffe. J'ai peur de ce que vont donner ces prochains mois, voire années. J'ai beaucoup de mal à occuper le même espace vital que quelqu'un d'autre et ici ça s'avère compliqué pour bénéficier d'intimité vu le peu de superficie qu'il y a.
Mes yeux se posent sur les lits superposés, le modeste bureau, la minuscule armoire et le frigo qui arrive à hauteur de mes genoux. Nous allons tout devoir scinder et la boule d'angoisse présente en moi grossit davantage. C'est déjà plus que ce à quoi j'ai eu le droit ces derniers temps, alors forcément, ça me coûte de devoir partager mon lieu de vie et m'abandonner au sommeil en présence d'un témoin.
Même si Gabin est ce qui se rapproche le plus d'un ami, je ne suis pas totalement serein. Mes nuits ne sont pas de tout repos, c'est encore difficile pour moi, je me sens trop vulnérable dans ces moments-là.
— Tout va bien, mec ? m'interroge-t-il.
Ce dernier passe ses doigts dans ces cheveux. Ils lui tombent constamment devant les yeux, c'est pour ça qu'il essaie de les maintenir en arrière –action qui ne marche bien évidemment pas – ce qui m'arrache un léger sourire. Il n'a toujours pas saisi qu'il devait soit les attacher soit les couper.
Je décide d'ouvrir la boîte que j'ai encore entre les mains, commence à la vider tranquillement. J'amorce un mouvement d'épaule à Gabin en articulant :
— Et toi ?
Je réponds de manière un peu distante, j'espère que cela lui permettra d'oublier ce qu'il m'a demandé. Je n'apprécie pas quand l'attention est centrée sur moi.
Comme à chaque fois que je suis agité ou fébrile, Gabin se transforme en grand bavard. Il parle énormément, ne s'attardant pas sur mon incapacité à exprimer mes émotions. Je crois que son flot de paroles m'a souvent rassuré et même calmé.
Oui, il apaise le chaos de mon esprit, au moins pendant un court instant.
— Oh bah tu sais, je suis hyper stressé pour demain, mais tu me connais ! J'angoisse toujours pour ce genre de truc. En plus, Megan a dit qu'elle passerait pour voir ce que donne notre chambre, alors bon j'aimerais beaucoup qu'elle apprécie notre déco ! Puis c'est la première fois que je vais dormir dans un lieu comme ça alors peut-être que j'appréhende...
Je l'observe alors qu'il esquisse une grimace pendant qu'il plie des vêtements dans le placard. Megan, c'est l'assistante sociale qui nous a aidés à en arriver là. Dans un petit dortoir à sept minutes à pied du campus universitaire où Gabin et moi allons commencer nos études. Nous avons cette chambre pour quatre ans, c'est garanti dès notre entrée dans le logement. Ce fut de suite rassurant pour nous, qui n'avions plus de toit sur la tête.
— C'est normal, mec et t'inquiète, je ne suis pas le pire coloc !
Je lui en fais la promesse alors que je mens, évitant son regard. En vérité, je suis probablement le plus infect.
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Nos âmes jumelles
RomanceLorsque Kurtis démarre ses études à UCLA, il ne s'imagine pas que le nouveau départ qu'il souhaite prendre soit mis à rude épreuve. Talentueux élève en danse, il espère briller sur le parquet et réaliser son rêve le plus précieux : échapper aux cauc...