3. Naissance d'une affinité...

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Gabriel sortit de son immeuble et fut immédiatement frappé par l'air frais. Une brise légère caressa son visage, emportant avec elle les soucis accumulés. Nous étions en pleine semaine, et quelques couples flânaient main dans la main, leurs murmures se mêlant aux échos des talons résonnant sur le sol pavé. Les lampadaires projetaient une lumière douce et dorée, créant des jeux d'ombres et de lumière qui dansaient sur les façades haussmanniennes. Les cafés et les bistrots avaient encore quelques clients attablés en terrasse, leurs éclats de rire résonnant dans la nuit.

Il s'arrêta quelques instants sur la Place de Tokyo, admirant la Tour Effel qui illuminait les bassins d'eau du musée d'art. Les reflets scintillants sur l'eau créaient un spectacle hypnotisant. Le ciel était dégagé, et les étoiles brillaient faiblement, éclipsées par les lumières de la ville. Le spectacle était magnifique, mais son esprit était ailleurs, tourmenté par les événements récents.

Continuant sa route, il se dirigea vers la Rue du Lubeck, un quartier charmant près du Trocadéro. Les rues pavées et les bâtiments élégants créaient une atmosphère sereine et intemporelle. Là, se trouvait un petit restaurant italien, connu pour son ambiance intime et ses plats savoureux. Gabriel s'installa à une table près de la fenêtre, observant les passants et le calme de la rue. L'endroit, avec ses lumières tamisées et ses murs ornés de vieilles photos de l'Italie, offrait une évasion bienvenue. Les arômes de basilic, d'ail et de tomate embaumaient l'air, ajoutant une touche de réconfort qui contrastait avec la froideur de ses pensées.

Quelques minutes plus tard, Jordan arriva, visiblement nerveux mais déterminé. Il salua Gabriel avec un sourire timide et s'installa en face de lui. Leurs yeux se croisèrent un instant, et Gabriel sentit une vague de chaleur à la vue du sourire hésitant de Jordan.

- Merci d'être venu, Jordan, dit Gabriel, sa voix teintée de gratitude et de fatigue.

- Merci de m'avoir invité. J'avoue qu'après votre réponse de ce matin, je ne m'attendais à vous revoir, répondit Jordan, son regard cherchant des indices dans les yeux de Gabriel.

Gabriel sourit légèrement, un sourire mélancolique.

- C'est un moment compliqué pour moi. J'avais besoin de prendre l'air et de me changer les idées, dit-il, sa voix trahissant une vulnérabilité qu'il avait du mal à masquer.

Jordan hocha la tête, regardant Gabriel. Il voyait un homme fatigué, les yeux cernées par de courtes nuits. Il savait que la période était terriblement rude et il fit un sourire de compréhension envers son adversaire.

- Je vous rassure, c'est également mon cas, j'ai aussi pas mal à faire avec Marine. Enfin, bref, je pense que si vous m'avez proposé de venir, ce n'est pas pour parler de travail.

- Non, non, en effet, je ne souhaite pas faire le débat avant notre débat. Je voulais simplement discuter de tout et de rien, histoire de décompresser un peu, répondit Gabriel, son sourire se faisant plus authentique.

- Alors je suis votre homme, répondit Jordan avec un grand sourire, un éclat de malice dans les yeux.

Les deux hommes commandèrent deux bières et commencèrent à parler de leur enfance. Ils trouvèrent qu'ils avaient quelques points communs, eux venant de familles d'immigrés, reconnaissant bien les problèmes liés à l'immigration, mais aussi l'importance d'intégrer ces personnes. Leurs rires se mêlaient aux cliquetis des couverts et aux murmures des autres clients. Au fil de la discussion et de l'alcool, ils regardèrent l'heure.

- Je n'ai pas vu le temps passer, il est déjà passé une heure du matin, dit Gabriel d'une voix saccadé sous l'effet de l'alcool.

- Ah oui, bon nous devrions y aller, répondit Jordan, une note de surprise dans sa voix.

Les deux garçons sortirent, Gabriel titubant légèrement. Les rues de Paris étaient calmes. Jordan le prit sous le bras pour l'accompagner.

- Je vous dépose chez vous, vous habitez où ? demanda Jordan, d'un ton bienveillant.

Gabriel mâchouilla ses mots, puis s'effondra en pleurs dans les bras de Jordan. Ne comprenant pas sa réaction, ils marchèrent un moment avant de s'asseoir sur un banc près du port Debilly. Les bateaux amarrés se balançaient doucement, leurs lumières se reflétant dans l'eau sombre de la Seine. Gabriel se calma, rouge de honte de la scène qu'il avait offerte à Jordan.

- Je suis désolé, vous devez me trouver ridicule, dit-il en baissant le regard.

- Écoutez, au-delà de nos idées, nous sommes également des êtres humains et je vois que ça devait sortir à un moment. Vous gardez beaucoup de chose pour vous, répondit Jordan, sa voix douce et rassurante.

Gabriel le regarda et lui sourit comme pour dire merci. Ils se turent pendant quelques instants, regardant la Seine et les bateaux amarrés en face d'eux. Gabriel prit de grandes inspirations, chassant son ivresse et désembrumant son cerveau. Il se tourna vers Jordan.

- Je peux vous poser une question indiscrète ? Je sais que vous êtes très secret sur votre vie privée et je vous assure que je ne souhaite pas utiliser d'information contre vous. Mais juste avoir votre avis d'homme à homme. Comment faites-vous pour allier notre travail à votre vie de couple ?

Jordan le regarda, intrigué par cette question.

- Eh bien, excellente question. J'ai fait le choix de ma carrière. J'ai eu quelques relations par le passé, mais on a préféré arrêter, voyant qu'on n'arrivait pas trouver un rythme de vie. Pourquoi cette question ? répondit-il, ses yeux cherchant à comprendre la douleur derrière les mots de Gabriel.

Gabriel perçut ses mots comme une douleur supplémentaire dans la balance de la rupture avec Stéphane. Il lâcha un grand soupire.

- Donc nous sommes voués à rester seul...

- Je ne dis pas cela, coupa Jordan. Je pense que d'autres s'en sortent, notamment parce qu'ils sont d'une autre génération que la nôtre et que leur couple est bien rôdé.

Jordan prit les épaules de Gabriel afin d'intensifier ses paroles.

- Regardez-nous. Nous sommes jeunes, et nous aimons avoir nos moments de liberté, nos moments intimes. Il est vrai que nos deux fonctions ne laissent que peu de place à ces instants et peut-être sont-elles incompatibles pour le moment avec une vie de couple. Mais n'abandonnez pas. Vous avez l'air d'être une belle personne, Gabriel.

Ils se regardèrent un long moment, comme si la scène était figée. Jordan sentit sous ses doigts les muscles de Gabriel frissonner. Il était très fin, ses grandes mains enveloppaient la quasi-totalité de son bras. Gabriel était plongé dans ses pensées, les mots de Jordan résonnaient en lui comme une mélodie rassurante. Il se convainquit que l'amour ne lui était peut-être pas interdit. Il releva son regard et croisa celui de son adversaire, un frisson lui parcourut l'échine, une sorte de compassion pouvait se lire sur le visage de Jordan. Il sentit une chaleur inattendue naître entre eux, un début de sentiment qui le troublait.

Jordan remarqua que son étreinte était trop marquée et le lâcha.

- Désolé, je me suis un peu emballé dans mes explications. Nous devrions y aller, il commence à faire froid, répondit Jordan, regardant autour de lui, les joues légèrement chaudes.

Ils firent un bout de chemin, ensemble. Jordan avait insisté pour accompagner Gabriel jusqu'à chez lui, mais Gabriel refusa poliment. Il valait mieux qu'ils ne soient pas vus trop longtemps ensemble, surtout à une heure si avancée.

Gabriel rentra à son appartement. L'air était étouffant. Il se dirigea vers la cuisine et se servit un verre d'eau. Il prit la direction du balcon, profitant de faire des caresses à sa chienne qui s'était levée en entendant du bruit. Gabriel regarda au loin, le regard vide. Finalement, il décida d'aller se coucher. En se dirigeant vers la chambre, il regarda au fond du couloir et aperçut une faible lumière sous la porte où Stéphane dormait. Une partie de Gabriel voulut aller le voir, mais la raison fut plus forte. Il entra dans sa chambre, le cœur lourd.

Quand tout s'oppose, l'amour reste.Where stories live. Discover now