6. Un rendez-vous, des échanges...

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Jordan quitta précipitamment les studios, son esprit encore agité par l'échange intense qui venait d'avoir lieu. Gabriel, son adversaire, avait refusé de lui parler, une décision que Jordan comprenait, mais qui laissait un poids lourd sur sa conscience. Il ressentait un besoin irrésistible de s'excuser pour son manque de tact la veille, de creuser plus profondément, d'avoir une discussion honnête, presque nécessaire.

Il s'arrêta un instant, ses yeux se perdant dans le ciel gris de Paris, ses pensées flottant dans le brouillard qui semblait refléter son état d'esprit. Il fut ramené à la réalité par des voix qui se rapprochaient.

- Ah, ah, ah, mais tu as vu comment Gabriel l'a taclé durant le débat...

Deux hommes passèrent à côté de lui, leur conversation animée traversant l'air froid. « Ça doit être l'équipe d'Attal », pensa-t-il distraitement. Jordan chercha un taxi du regard, prêt à s'échapper de cette soirée étouffante, quand une main ferme se posa sur son épaule, le tirant brusquement de ses pensées.

Il sursauta, se retournant pour faire face à Gabriel.

- Toujours pas rentré ? lança Gabriel avec un sourire crispé, une tentative maladroite d'alléger l'atmosphère.

Jordan le fixa, son regard chargé de sentiments contradictoires. Lorsqu'il parla, sa voix était basse, presque rauque, mais ses mots tranchants.

- Si je suis là, c'est que non.

Les mots étaient durs, plus qu'il ne l'avait voulu. Gabriel accusa le coup, son visage se fermant, son air habituellement assuré vacillant sous le poids de la fatigue et de la journée éprouvante.

- Je vois... Ce n'est peut-être pas le bon moment, murmura Gabriel, la déception perçant dans sa voix. Je vais vous laisser. Bonne soirée.

Il fit demi-tour, prêt à s'éloigner, mais quelque chose se déchira en Jordan à cet instant. Il réalisa que ses paroles avaient été trop brutales, plus que ce qu'il ressentait vraiment. Il attrapa le bras de Gabriel, ses doigts s'enfonçant dans la manche de son manteau.

- Attendez... Ce n'est pas ce que je voulais dire, murmura-t-il, sa voix se brisant, trahissant la tempête intérieure qu'il tentait de contenir.

Gabriel se retourna lentement, croisant le regard de Jordan. Ce qu'il y vit le désarma complètement. La colère, la fatigue, tout se dissipa pour ne laisser place qu'à un regret sincère, presque désespéré.

- Retrouvons-nous dans une heure, dans ce même restaurant, proposa Gabriel, sa voix se radoucissant, offrant une chance de rattraper cet instant qui menaçait de les séparer davantage.

Jordan relâcha lentement son emprise, et Gabriel massa instinctivement son bras, encore engourdi par la poigne de son adversaire. Un silence étrange s'installa, une trêve silencieuse entre deux hommes blessés, cherchant un apaisement impossible à trouver dans ce brouillard parisien.

Ils se séparèrent finalement, Gabriel rejoignant la voiture qui l'attendait. Il venait à peine de refermer la portière que son téléphone sonna.

- Salut Gabriel, super débat ce soir !

- Bonjour Emmanuel, répondit Gabriel, un sourire forcé aux lèvres. Merci, beaucoup de préparation, mais je pense que nous avons réussi à nous faire entendre.

- Viens à l'Élysée, j'aimerais revoir certaines choses avec toi.

Gabriel hésita, tiraillé entre le devoir et ce rendez-vous imprévu avec Jordan, qui lui semblait désormais essentiel.

- À cette heure ?... J'ai un rendez-vous important, dit-il, la voix emplie de fatigue et de doute.

- Ce ne sera pas long, insista Emmanuel, d'un ton qui laissait peu de place à la négociation.

Quand tout s'oppose, l'amour reste.Where stories live. Discover now