𝐏𝐑𝐎𝐋𝐎𝐆𝐔𝐄

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➺ 𝐏 𝐑 𝐎 𝐋 𝐎 𝐆 𝐔 𝐄

❥📍𝐁𝐮𝐝𝐚𝐩𝐞𝐬𝐭, 𝟐𝟎𝟎𝟑.

-𝑨 𝑹 𝑰 𝑬 𝑳 𝑳 𝑬-

La pluie tambourine contre la fenêtre depuis plus de deux heures. Chaque goutte, en s'écrasant contre le verre, semble entamer une course folle, traçant de fins sillons argentés avant de disparaître, absorbée par la vitesse du véhicule.

Le paysage défile sans que je le remarque vraiment, mon esprit tout entier absorbé par l'atmosphère lourde qui règne dans l'habitacle. Pas un mot, pas un son, à part le bruit régulier des essuie-glaces et le ronronnement du moteur.

Mon frère, assis à mes côtés, n'a pas desserré les lèvres une seule fois depuis notre départ, tout comme ma tante qui fixe la route avec une intensité presque troublante.

Le silence est pesant, étouffant même. Chaque seconde qui passe semble rallonger le trajet, et je me surprends à jouer nerveusement avec mes bijoux, cherchant désespérément quelque chose à dire pour briser cette ambiance glaciale.

Je finis par me lancer, ma voix à peine plus qu'un murmure hésitant :

— On arrive bientôt ?

Ma tante lève les yeux vers le rétroviseur, me jetant un regard réprobateur, ses sourcils froncés comme si je venais de dire la pire des absurdités.

— Tu ne peux pas réfléchir avant de dire des âneries ? C'est vraiment le moment pour ça ? Tu crois que c'est une balade de santé peut-être ?

Son ton est sec, coupant, et elle détourne aussitôt les yeux, concentrée sur la route. Mon cœur rate un battement.

𝑻𝒆𝒏𝒕𝒂𝒕𝒊𝒗𝒆 𝒏𝒖𝒎𝒆́𝒓𝒐 𝒖𝒏, 𝒆́𝒄𝒉𝒐𝒖𝒆́𝒆, 𝒍𝒂𝒎𝒆𝒏𝒕𝒂𝒃𝒍𝒆𝒎𝒆𝒏𝒕.

Je me renfonce dans mon siège,esquissant un léger sourire. Le silence revient, plus lourd encore, et l'air devient presque irrespirable. J'ai l'impression que tout l'habitacle pèse sur mes épaules, comme une chape de plomb.

Je serre les mâchoires, mordillant ma lèvre inférieure. À défaut de pouvoir parler, je cherche une échappatoire dans mon sac, en sortant mon petit carnet et un crayon.

J'ouvre le carnet à une page vierge et, sans réfléchir, commence à écrire. Les mots s'alignent sans vraiment de sens au début, mais peu à peu, ils prennent forme. C'est une vieille habitude, écrire pour libérer le poids de mes pensées.

Je ne prétends pas que cela suffise à tout faire disparaître, mais au moins, une partie de moi se sent moins oppressée, un peu plus légère. Moins... noircie.

Je laisse mon crayon courir sur le papier, esquissant quelques phrases, des bouts de pensées, et griffonnant des motifs abstraits dans les marges.

J'essaie de donner du sens à ce qui traverse mon esprit, à tout ce qui ne trouve pas sa place dans les mots prononcés à voix haute.

À côté de moi, mon frère est toujours immobile. Il a la capuche rabattue sur la tête, ses bras croisés sur sa poitrine, et son regard fixé sur le vide. Son visage est fermé, imperméable à tout.

Je pose mon carnet sur mes genoux et me tourne légèrement vers lui. Il a toujours cette posture défensive, comme s'il essayait de s'effacer du monde qui l'entoure, de disparaître dans l'ombre de son propre silence.

Je prends une profonde inspiration, cherchant une nouvelle tentative pour briser cette barrière invisible entre nous.

— Tu sais, je comprends ce que tu ressens... Les parents me manquent aussi, beaucoup.

Ma voix est douce, presque hésitante. Je le fixe, espérant capter un signe, une réaction, mais rien. Pas même un frémissement.

— Mais... si je me souviens bien, tu n'étais pas à l'hôpital, ce soir-là, n'est-ce pas, tu ne devais pas être trop inquiet pour eux, je comprend que tu regrettes aujourd'hui.

Le regard de mon frère, d'abord inexpressif, se transforme soudain en une lueur sombre, presque furieuse. Il tourne la tête brusquement vers moi, ses yeux noirs de colère.

— Ta gueule. Ferme-la, putain.

Il me crache ces mots au visage avec une telle violence que je recule instinctivement, surprise par l'intensité de sa réaction.

Ses mains, crispées sur le bord de son siège, tremblent légèrement. Il me repousse d'un geste brutal, comme si ma simple présence était insupportable.

Ma tante, jusque-là silencieuse, resserre sa prise sur le volant, ses phalanges blanchissant sous la pression. Elle accélère légèrement, sans dire un mot, mais je sens la tension monter d'un cran dans l'air déjà lourd.

J'aurais dû me taire, je le sais. Mais pourquoi ma question l'a-t-elle autant blessé ? Je n'ai fait que dire la vérité, non ?

𝑳𝒂 𝒗𝒆́𝒓𝒊𝒕𝒆́ 𝒃𝒍𝒆𝒔𝒔𝒆, 𝒏'𝒆𝒔𝒕-𝒄𝒆 𝒑𝒂𝒔 ?

Le monde autour de nous continue de défiler sous la pluie battante, mais à l'intérieur de cette voiture, le temps semble s'être figé dans une bulle de douleur et de non-dits.


𝐅𝐈𝐍 𝐏𝐑𝐎𝐋𝐎𝐆𝐔𝐄 (𝐩𝐨𝐬𝐭𝐞́ : 𝟎𝟏/𝟏𝟎/𝟐𝟒)

Je tiens à dire qu'Arielle a des troubles, que vous découvrirez au fur et à mesure des chapitres. Ces comportements ne sont pas à romantiser. 🧏🏼‍♀️

SILENT STREETOù les histoires vivent. Découvrez maintenant