𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟑

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➺ 𝐂𝐇𝐀𝐏 - 𝟑

❥📍𝐁𝐮𝐝𝐚𝐩𝐞𝐬𝐭, 𝟐𝟎𝟏𝟑.

-𝑨 𝑹 𝑰 𝑬 𝑳 𝑳 𝑬-

Les repas de famille, pour moi, c'est comme un rituel détestable qu'on subit sans échappatoire. On devrait y trouver de la chaleur, du partage, et même du réconfort. Mais ici, ce sont des mots sans valeur, des concepts vides qui n'ont aucune place dans nos dîners.

Chez nous, ce moment n'est rien d'autre qu'un passage obligé, une succession de gestes et de silences lourds qu'on traverse en essayant de ne pas se heurter.

Ce soir, l'ambiance est encore plus pesante que d'habitude. Mon frère, ma tante Claire, et moi sommes placés aux coins opposés de cette longue table de bois sombre.

Elle occupe tout l'espace de la salle à manger, massive, écrasante, comme un mur qui nous sépare les uns des autres. Je n'ai même pas besoin de lever les yeux pour sentir la distance, cette tension palpable qui rend chaque seconde plus difficile.

Le parquet craque sous les pieds des chaises, la lumière des suspensions pendantes est tamisée, froide, et chaque ombre semble accentuer le vide entre nous.

La salle elle-même semble amplifiée par cette atmosphère sinistre. Dehors, le vent souffle avec une force qui fait claquer les branches contre les fenêtres, un bruit sourd et répétitif qui vient briser le silence sans le dissiper pour autant.

La pièce est plongée dans une semi-pénombre, éclairée seulement par quelques vieilles ampoules jaunes qui projettent des ombres mouvantes sur les murs. Ces ombres, comme des spectres silencieux, oscillent à chaque mouvement des arbres au-dehors, et dansent sur les murs comme pour nous rappeler qu'on n'est jamais tout à fait seuls dans cette maison.

Pourtant, ce sentiment de solitude persiste, chaque détail rendant l'atmosphère plus lourde.

Mes pensées finissent par s'embrouiller, et j'ai l'impression d'étouffer dans ce silence glacé. Alors, je décide de parler, parce que quelqu'un doit bien le faire. Ça devient une habitude, ce rôle de celle qui initie les conversations, même quand elles sont vouées à échouer.

— Tante Claire, tu as des nouvelles de l'affaire Alois Mickelson ? demandé-je en essayant d'adopter un ton neutre, presque détaché, tout en portant une bouchée de pâtes à ma bouche.

Ma question brise le silence, mais elle laisse derrière elle un vide tout aussi pesant. Tante Claire, assise bien droite, ne réagit pas tout de suite. Ses yeux restent fixés sur son assiette, et je distingue ses doigts serrés autour de ses couverts, comme si ma question l'avait agacée.

Je commence presque à regretter d'avoir parlé, m'attendant à ce qu'elle ne me réponde pas, comme souvent. Finalement, elle lève les yeux, son regard planté dans le mien, dur et froid.

— Laisse tomber cette histoire, concentre-toi sur tes études et ton travail, répond-elle d'une voix tranchante. D'ailleurs, ta journée d'initiation, elle s'est bien passée ?

Son changement de sujet est aussi subtil qu'un coup de marteau. Je la fixe, reposant lentement ma fourchette, tentant de ne pas montrer ma frustration.

Elle détourne toujours les questions qui la dérangent, et je sais que si je lâche maintenant, elle aura une raison de plus pour ignorer mes inquiétudes à l'avenir. Alors, je décide d'insister.

— Franchement, je crois bien que j'ai vu ce Alois Mickelson aujourd'hui, dis-je en essayant de garder mon calme. Je lui ai même servi un café sans qu'il sache qui j'étais. Et puis, ce n'est pas tout... en rentrant, j'ai reçu des menaces de kidnapping, rien de moins, et j'ai surpris une scène plus que louche dans une ruelle. Si je n'avais pas été assez vigilante, ça aurait pu vraiment mal tourner.

SILENT STREETOù les histoires vivent. Découvrez maintenant