Rééducation Sentimentale

8 • Le monde peut s'effondrer à la moindre faiblesse

Je suis encore enivrée par le baiser fiévreux de Jonas, mon esprit flottant entre désir et confusion. Le monde autour de nous s'efface, rétrécissant jusqu'à n'être plus qu'une bulle où n'existent que nous deux. Lorsque je rouvre les yeux, Jonas défait doucement son emprise, ses doigts se desserrant de ma taille avec une lenteur calculée. Il se penche vers moi, son souffle chaud caressant mon oreille alors qu'il murmure :

— Cette fois, mon gage est réussi.

La réalité revient à moi comme une vague glacée. Je me retourne si rapidement que ma tête tourne, et Jonas, toujours alerte, me rattrape aussitôt, ses mains fermes se posant à nouveau sur ma taille pour me stabiliser. Je m'appuie sur ses avant-bras, le regardant droit dans les yeux, mon cœur battant encore la chamade.

— Comment ça , c'était quoi ton gage ? grogné-je, ma voix plus dure que je ne l'aurais voulu.

Il arque un sourcil, visiblement surpris par ma réaction, mais il ne se démonte pas pour autant. Un sourire effleure ses lèvres alors qu'il se rapproche à nouveau, cette fois pour chuchoter, sa voix devenant un murmure complice.

— À ton avis ? C'était de faire fuir cet homme qui ne vaut pas un clou, ou bien te faire ressentir ce désir jusqu'à ce que t'en perdes la tête ?

Il recule d'un pas, toujours prêt à me soutenir, comme s'il craignait que je m'effondre à nouveau. Je ne peux m'empêcher de froncer le nez, agacée par cette attention qui me fait me sentir vulnérable. Je relève la tête et croise son regard, ses iris si dilatées qu'elles en sont presque noires. Il me fixe avec une intensité déconcertante, puis laisse tomber la bombe avec une assurance troublante.

— Si tu m'embrasses, je me ferai un plaisir de te le dire, ma belle...

Ses paroles résonnent comme une gifle. Mon esprit vacille. Ai-je bien entendu ? Est-ce l'alcool qui me joue des tours ? Ma bouche s'entrouvre de surprise, mes pensées s'entrechoquant, incapables de se concentrer. Il le remarque, bien sûr. Jonas a toujours une longueur d'avance, comme s'il lisait en moi à livre ouvert, jouant de cette assurance qui le rend si dangereux.

Mais alors que je continue à le fixer, quelque chose attire mon attention sur la gauche. Mon corps se fige instantanément. Là, dans la foule, un visage que je connais que trop bien. Imposant et intimidant, avec une mâchoire carrée qui accentue la dureté de ses traits. Ses cheveux blonds sont rasés court sur toute sa tête, renforçant l'impression de froideur qui émane de lui. Il est beaucoup plus grand et plus massif que dans mes souvenirs, sa stature presque suffocante. Un tatouage de serpent s'enroule autour de son poignet, un rappel venimeux de sa capacité à empoisonner tout ce qu'il touche. Ses yeux, sombres et perçants, reflètent une malsainité glaçante, réveillant en moi une peur viscérale, comme si son simple regard pouvait éroder mon dernier rempart de sécurité. Matteo. Le garçon qui a volé mon innocence, celui qui a marqué ma peau de ses griffes, me traînant dans un enfer dont je n'ai jamais totalement émergé. Il est là, me fixant avec ce même sourire carnassier. J'essaie de me convaincre que ce n'est pas lui mais comme si il lit dans ma tête, il pose un doigt sur ses lèvres comme pour m'intimer le silence. Son geste habituelle avant de me briser.

Le sol se dérobe sous mes pieds. Mon cœur s'emballe, résonnant dans mes tempes comme un tambour de guerre. Tout revient en pleine figure : la douleur, la terreur, les nuits sans sommeil hantées par son visage. Mon corps se met à trembler de manière incontrôlable, et mes yeux se remplissent d'une peur viscérale, sauvage. Je suffoque, l'air semble manquer, et le monde devient flou, sombre, tandis que je sombre dans les ténèbres de mes cauchemars.

Pourquoi est-il là ? Pourquoi maintenant ?

Jonas sent immédiatement le changement, son corps se raidissant contre le mien. Il se retourne, cherchant des yeux la source de ma terreur, mais Matteo a déjà disparu, englouti par la foule. Ses mains se posent fermement sur mes joues, capturant mon visage pour m'obliger à le regarder.