Tension et Incompréhension

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Les semaines s’étaient enchaînées à un rythme effréné, les journées se remplissant de cours, de devoirs, et de découvertes à l’internat Saint-Vincent. La relation entre Océane et Béatrice s'était renforcée, mais comme c’est souvent le cas dans les amitiés naissantes, il arrivait que des tensions se glissent là où tout semblait harmonieux.

Ce vendredi-là, Océane se réveilla avec un sentiment de lourdeur qu’elle ne parvenait pas à chasser. La fatigue des longues soirées passées à étudier, la pression des examens à venir et la solitude qu’elle ressentait malgré la présence de Béatrice commençaient à peser sur son moral. Leurs interactions, d’abord légères et sans soucis, avaient pris une tournure plus complexe, et Océane se sentait de plus en plus dépassée.

Béatrice, quant à elle, semblait toujours aussi joyeuse et énergique, son sourire illuminant chaque pièce où elle entrait. Elle avait déjà planifié leur week-end avec une multitude d’activités, y compris une sortie au cinéma avec des amis de leur classe. Océane, d’abord enthousiaste, se sentait maintenant accablée par l’idée de devoir participer à tout cela. Elle aspirait à un peu de calme, un moment où elle pourrait respirer et se retrouver seule avec ses pensées.

Ce jour-là, lors de leur pause déjeuner, Béatrice rejoignit Océane à leur table habituelle, un sourire éclatant sur le visage.

"J’ai réservé les places pour le cinéma demain soir !" annonça-t-elle avec enthousiasme. "On va voir ce nouveau film dont tout le monde parle, ça va être génial !"

Océane leva les yeux de son plateau-repas, se forçant à sourire en retour. "Ah, super…"

Béatrice remarqua immédiatement la réticence dans la voix d’Océane. "Ça va ? Tu sembles un peu distante depuis ce matin."

Océane soupira, mal à l’aise à l’idée d’exprimer ce qu’elle ressentait vraiment. Elle n’aimait pas être celle qui mettait un frein aux projets, encore moins décevoir Béatrice qui s’investissait tellement dans leur amitié.

"Je suis juste fatiguée, je suppose. Ces derniers jours ont été assez chargés, et je pense que j’ai besoin de me reposer ce week-end."

Béatrice, toujours aussi optimiste, ne semblait pas comprendre la gravité du malaise d’Océane. "Oh, je comprends ! Mais tu verras, une sortie te fera du bien. On ne sera pas tard, promis !"

Océane serra la mâchoire, sentant une vague de frustration monter en elle. Pourquoi Béatrice ne pouvait-elle pas comprendre qu’elle avait besoin de temps seule ? Pourquoi fallait-il toujours qu’elle soit aussi optimiste, refusant de voir que tout le monde n’était pas aussi énergique qu’elle ?

"Je ne suis pas sûre de vouloir y aller, Béatrice," finit-elle par dire, essayant de rester calme. "J’ai vraiment besoin de ce week-end pour me ressourcer."

Le sourire de Béatrice se fana légèrement, remplacé par une expression d’incompréhension. "Mais… tu avais dit que ça te plaisait, qu’on allait bien s’amuser. Qu’est-ce qui a changé ?"

Océane se sentait piégée, tiraillée entre l’envie de faire plaisir à son amie et le besoin de respecter ses propres limites. Elle n’avait pas envie de se justifier, encore moins de se sentir coupable pour quelque chose d’aussi simple que vouloir rester seule.

"Je n’ai pas changé d’avis, j’ai juste... besoin d’une pause, Béatrice," répliqua-t-elle avec un peu plus de fermeté. "Tu ne peux pas comprendre ça ?"

Béatrice, blessée par la réponse brusque d’Océane, se renfrogna. Elle n’était pas habituée à ce que son amie soit aussi froide avec elle, et elle ne comprenait pas pourquoi Océane agissait ainsi.

"Si tu ne voulais pas venir, tu pouvais simplement me le dire," rétorqua-t-elle, sa voix teintée d’une pointe de reproche. "Tu n’as pas besoin de me parler sur ce ton."

Océane se mordit les lèvres, regrettant déjà sa réaction impulsive. Mais elle était trop en colère, trop fatiguée pour se reprendre immédiatement. "Je suis désolée, je ne voulais pas te blesser. Mais parfois, tu es tellement... insistance."

Les mots étaient sortis avant qu’elle ne puisse les retenir, et elle vit l’expression de Béatrice se durcir. Cette dernière resta silencieuse un moment, comme si elle pesait ses mots avant de répondre.

"Peut-être que je le suis," dit-elle finalement, le ton plus posé mais clairement blessé. "Mais c’est seulement parce que je tiens à toi, Océane. Je veux juste que tu sois heureuse."

Ces paroles firent l’effet d’une claque pour Océane. Elle savait que Béatrice avait raison, que ses intentions étaient bonnes, mais elle se sentait acculée, incapable de gérer la situation.

"Je sais… Mais j’ai besoin de gérer les choses à ma manière," répondit-elle, essayant de calmer les tensions.

Béatrice hocha la tête, mais l’étincelle habituelle dans ses yeux avait disparu. "Très bien. Fais ce que tu veux, alors. Je ne vais pas te forcer."

L’après-midi passa dans un silence tendu. Les deux jeunes femmes se parlaient à peine, chacune absorbée dans ses pensées. Océane se sentait coupable, regrettant la manière dont elle avait exprimé son malaise. Elle savait que Béatrice ne méritait pas cette froideur, mais elle ne pouvait s’empêcher de ressentir cette fatigue émotionnelle qui la poussait à s’éloigner.

Béatrice, de son côté, se sentait blessée. Elle ne comprenait pas pourquoi Océane réagissait ainsi, pourquoi elle semblait se refermer alors qu’elles étaient devenues si proches. Pour la première fois depuis leur rencontre, elle se sentait impuissante face à l’attitude de son amie.

Ce soir-là, dans leur chambre, le silence entre elles était presque palpable. Béatrice lisait, allongée sur son lit, tandis qu’Océane s’efforçait de se concentrer sur ses révisions. Mais le malaise entre elles était trop présent pour qu’elles puissent l’ignorer plus longtemps.

Finalement, ce fut Béatrice qui rompit le silence. "Océane… je ne veux pas qu’on se dispute pour ça. Je tiens vraiment à notre amitié."

Océane releva les yeux, touchée par les mots sincères de Béatrice. "Moi aussi, Béatrice. Je suis désolée pour ce qui s’est passé aujourd’hui. Je ne voulais pas être méchante, c’est juste que… parfois, j’ai besoin de temps pour moi, et je ne sais pas toujours comment le dire."

Béatrice sourit faiblement. "Je comprends. Peut-être que je suis parfois trop insistante. Je vais essayer de te laisser plus d’espace."

Océane se leva et s’assit sur le bord du lit de Béatrice. "Merci. Et je te promets d’être plus claire sur ce que je ressens, au lieu de laisser les choses s’accumuler."

Les deux jeunes femmes échangèrent un regard complice, reconnaissant que malgré leurs différences, elles étaient prêtes à faire des efforts pour préserver leur amitié.

"On pourrait peut-être faire quelque chose de plus tranquille ce week-end, juste toi et moi," proposa Béatrice. "Une balade ou un pique-nique, sans trop de monde."

Océane sourit, soulagée par cette proposition. "Ça me va très bien."

Ce moment de tension leur avait permis de se comprendre un peu mieux, de voir au-delà de leurs personnalités contrastées pour découvrir ce qui les unissait vraiment. Elles savaient que leur amitié ne serait pas toujours facile, mais elles étaient prêtes à faire face ensemble aux obstacles qui se présenteraient.

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