Chapitre 1

2.8K 87 52
                                    

- 11 juillet 2020, Léon-

Mon père pose doucement sa main sur mon épaule, un geste empreint de tendresse et de soutien. Il hoche la tête avec une lenteur solennelle, un geste silencieux qui m'accorde la permission de franchir une étape si importante pour moi. Je retire mon masque, cet accessoire devenu si familier en ces temps de pandémie, puis je sors de la voiture, sentant mon cœur s'emballer à chaque battement, résonnant comme un tambour dans ma poitrine. Avec un soin méticuleux, je redresse mon nœud papillon, tentant de contenir le flot d'émotions qui m'envahit, et je me dirige vers la porte de la maison de Pauline. Avant de frapper, je tourne légèrement la tête et aperçois mon père qui, à travers la vitre embuée de la voiture, m'adresse un sourire chargé d'encouragement et de fierté.

La porte s'ouvre dans un murmure et, comme une apparition délicate, Laure se tient devant moi. Son regard croise le mien et, en un instant, un sourire éclatant illumine son visage, chassant les ombres de la journée. Malgré la menace invisible de l'épidémie qui plane, elle s'avance vers moi, les bras ouverts, et me serre dans une étreinte chaleureuse, m'invitant à entrer, à laisser derrière moi les doutes et les inquiétudes.

Une chevelure dorée se précipite soudainement vers moi, et en un instant, je me retrouve avec Sophie, la petite sœur de Pauline, nichée contre moi. Elle se blottit tendrement dans le creux de mon cou, son étreinte débordant de l'innocence et de la sincérité propre à l'enfance. D'une voix douce, empreinte de chaleur, elle me murmure qu'elle est vraiment heureuse de me revoir, ses mots vibrants de joie pure et authentique. Je ressens au fond de moi la vérité de son propos, comme une onde de nostalgie qui m'envahit. Cela faisait, en effet, bien trop longtemps que je n'avais franchi le seuil de cette maison familière. Pauline, absorbée par les révisions de son baccalauréat, et les mois de confinement imposés par la pandémie avaient dressé entre nous des barrières invisibles, mais présentes. Et pourtant, en cet instant, tout semble s'effacer, ne laissant place qu'à la douceur des retrouvailles.

« Pauline ne va pas tarder à descendre.

- Pas de problème. Richard va bien ?

- Disons qu'il gère la situation. »

Richard travaille sans relâche à l'hôpital de Toulouse, submergé par une montagne de paperasse, de patients, et toutes sortes de responsabilités qui s'accumulent sans fin. Le COVID sème le chaos, infligeant des blessures profondes, tant sur les corps que sur les esprits. Ces derniers mois, je ne parvenais même plus à me reconnaître dans le reflet que me renvoyait le miroir de ma propre vie. J'avais sombré, irrémédiablement, comme un navire en perdition. Chaque jour, l'idée d'abandonner me hantait, m'obsédait, jusqu'à envisager de mettre un terme à ma carrière, alors qu'elle venait à peine de prendre son envol. Les consultations en visioconférence avec ma psy étaient devenues ma seule ancre, le seul fil qui me reliait encore à une certaine réalité. Pourtant, aucune issue ne se dessinait à l'horizon. Je me consumais, lentement, inexorablement, sans pouvoir opposer la moindre résistance, me sentant disparaître un peu plus chaque jour.

Puis, comme un phare dans la nuit la plus sombre, une lueur d'espoir est apparue, éclairant la voie qui me semblait perdue. Cette lueur avait un nom : Thomas. Mon préparateur mental. Il est devenu le pilier qui m'a redonné confiance en moi, celui qui m'a tendu la main alors que je me noyais dans mes tourments. Pas à pas, il m'a accompagné, me guidant avec une patience infinie à travers chaque étape de ma renaissance. Mes parents, quant à eux, étaient également présents, me soutenant avec une force inébranlable, me poussant doucement mais fermement à ne pas céder sous le poids de mes faiblesses.

Et puis, il y avait Pauline. Douce Pauline, plongée dans ses révisions, le regard tourné vers ses propres défis. Je n'ai rien laissé transparaître devant elle, rien révélé de la tempête qui faisait rage en moi. Je ne voulais pas qu'elle soit alourdie par mes fardeaux. Je l'ai protégée, volontairement tenue à l'écart de mes tourments. Ce n'était pas son rôle de porter ce poids. Elle avait ses propres batailles à mener, et je refusais qu'elle se perde dans les miennes.

Le bleu de notre histoire [Léon Marchand]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant