Chapitre 10

57 6 0
                                    

Pendant les jours qui suivirent, Gabriel sombra dans un abîme de silence et d'incertitude.

Chaque matin, il se réveillait avec une boule dans la gorge, le cœur battant à un rythme irrégulier, comme si son corps anticipait déjà une mauvaise nouvelle. Le silence de Jordan n'était pas simplement une absence de mots, c'était une ombre menaçante, une présence oppressante qui s'étendait sur chaque aspect de sa vie. Le téléphone restait obstinément muet, chaque vibration espérée se transformant en un silence encore plus assourdissant. Gabriel avait l'impression d'être piégé dans une boucle infinie, où chaque journée semblait se fondre dans la suivante sans aucun espoir d'évasion.

Au début, ce mutisme déclencha en lui une frustration dévorante. Il se perdait dans des spéculations incessantes, tourmenté par l'incertitude : avait-il dit quelque chose de mal ? Avait-il fait une erreur irréparable ? L'absence de réponses nourrissait ses pires craintes, transformant chaque pensée en un serpent d'angoisse, se tordant et se mordant la queue, s'enfonçant plus profondément dans son esprit. Chaque moment de calme devenait insupportable, chaque seconde de silence un rappel cruel de sa solitude. Les nuits, autrefois refuges de repos, étaient désormais envahies par des cauchemars, où il se réveillait en sueur, le souffle court, les yeux écarquillés dans l'obscurité, hanté par l'idée que quelque chose de terrible était arrivé.

L'attente devenait un supplice insoutenable. Chaque sonnerie du téléphone ou vibration inattendue ravivait un espoir fugace, une lumière dans l'obscurité, avant de se transformer en une déception écrasante lorsqu'il réalisait que ce n'était pas Jordan. Gabriel s'accrochait à ces bribes d'espoir comme un naufragé à une bouée dans une mer de détresse. Mais à chaque espoir déçu, le désespoir grandissait, s'enracinant plus profondément dans son âme. Le silence n'était plus seulement un vide, il était devenu une menace, une sorte de punition inexplicable, un jugement sans appel.

Il se surprenait à analyser chaque message laissé, chaque mot échangé avec Jordan, cherchant désespérément à déceler ce qu'il avait pu dire ou faire pour mériter un tel rejet, un tel abandon. Les souvenirs de leurs moments passés ensemble, autrefois réconfortants, devenaient des poignards qui se retournaient contre lui, exacerbant sa souffrance. La solitude qui accompagnait ces soirées interminables était écrasante, chaque minute passée sans nouvelles de Jordan renforçant le poids de l'incertitude, rendant la situation encore plus insupportable.

Au fil des jours, la détresse de Gabriel se transforma en une angoisse qui ne le quittait plus. Il se sentait coupé du monde, isolé par un mur invisible qui semblait se dresser autour de lui, un mur fait de doutes et de peurs. La maison, autrefois un havre de paix, était devenue une prison silencieuse, où chaque craquement de bois, chaque souffle de vent semblait murmurer des menaces inconnues. Le silence de Jordan prenait des proportions démesurées, devenant une entité à part entière, une ombre omniprésente qui le suivait partout, même dans ses pensées les plus intimes.

Pourtant, alors que les jours passaient, quelque chose de plus complexe s'installa en lui. Gabriel se découvrit étrangement soulagé, comme si l'absence de Jordan, aussi douloureuse soit-elle, lui permettait enfin de reprendre son souffle. Libéré de l'attente constante, il se tourna vers Emmanuel, un ami de longue date sur lequel il n'avait jamais vraiment posé de véritables sentiments. Avec Emmanuel, tout était plus simple, plus calme. Sa présence était apaisante, son humour doux, sa compagnie agréable. Certes, Emmanuel n'éveillait pas en lui les mêmes passions que Jordan, mais il offrait une forme de réconfort qui, sans combler entièrement le vide laissé par Jordan, lui permettait de respirer plus librement, de retrouver un semblant d'équilibre dans ce chaos émotionnel.

Cependant, ce sentiment de paix était fragile, éphémère, comme une mince couche de glace sur un lac en pleine dégel. Gabriel savait que sous cette apparente tranquillité, l'angoisse restait tapie, prête à ressurgir à tout moment. Chaque instant passé sans nouvelles de Jordan était une épreuve, un rappel cruel de la précarité de son bonheur. Mais pour l'instant, il se laissait porter par ce semblant de paix, profitant de chaque moment de répit avec Emmanuel, tentant de se convaincre que tout finirait par s'arranger.

Le Fil Rouge De Nos Âmes Où les histoires vivent. Découvrez maintenant