Chapitre 8

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Livide, je fixe sans rien dire Lou-Anne, attendant qu'elle parle. Ses mains tremblent légèrement autour de sa tasse de thé à moitié vide. Elle a l'air perdue, fragilisée par quelque chose de bien plus profond que je ne l'aurais imaginé. Je sens mon cœur se serrer rien qu'en la voyant dans cet état.

Après avoir repris ses esprits, elle lève les yeux vers moi, et je vois les larmes qui brillent au bord de ses paupières. Elle inspire profondément, comme pour trouver le courage de parler.

— Tu te souviens... il y a quelques mois, je t'ai parlé de quelqu'un. Un homme avec qui je sortais.

Je hoche la tête, me souvenant vaguement de cette conversation. À l'époque, Lou-Anne avait l'air épanouie, comme si elle avait enfin trouvé quelqu'un qui la rendait heureuse. C'était la première fois depuis longtemps que je la voyais sourire autant.

— Tout allait bien au début, continue-t-elle, sa voix tremblante mais déterminée. Il était gentil, attentionné... du moins, c'est ce que je pensais. Mais très vite, il a commencé à disparaître. Il trouvait toujours une excuse pour s'absenter, des sorties entre amis, des réunions tardives... Au début, je me disais que c'était normal, que c'était juste le travail. Mais quelque chose ne collait pas.

Je reste silencieuse, laissant Lou-Anne dérouler le fil de son récit. Je sens qu'elle a besoin de vider son sac, de mettre des mots sur ce qu'elle a vécu.

— Au bout d'un moment, j'ai fini par comprendre qu'il me cachait quelque chose. Je ne rencontrais jamais ses amis, ne pouvais pas aller sur son lieu de travail, et encore moins chez lui !

Elle renifle une nouvelle fois, et en voyant ses larmes couler, je m'empresse de lui tendre un mouchoir.

— Je n'en pouvais plus. J'avais besoin de savoir ce qu'il me cachait, ce qu'il ne voulait pas que je sache ! Alors... je l'ai suivi jusqu'à chez lui. Je me sentais ridicule, comme une espionne dans un mauvais film, mais je ne pouvais pas m'en empêcher. J'avais besoin de comprendre ce qui se passait.

Je l'écoute attentivement, mon estomac se nouant à mesure qu'elle parle. Je devine déjà que la suite ne sera pas facile à entendre.

— Et là, je l'ai vu... Lou-Anne baisse les yeux, sa voix se brisant légèrement. Je l'ai vu entrer dans une maison... avec une femme qui l'attendait à la porte, et une fillette courant dans le jardin. Il était... il est marié, finit-elle par m'avouer dans un sanglot étouffé. Depuis le début, il me mentait. Je n'était pas son grand amour contrairement à ce qu'il prétendait, j'étais juste... sa maîtresse.

Ses mots résonnent en moi comme un coup de poing. Je n'arrive pas à croire ce qu'elle me dit. Comment est-ce possible ? Lou-Anne, cette femme douce et gentille, trompée et trahie de la sorte... Je ressens une vague de colère monter en moi, mêlée à une profonde tristesse pour mon amie.

— Mon Dieu, je suis tellement désolée pour toi, ajouté-je d'une voix cassée.

Les mots semblent dérisoires face à la douleur qu'elle doit ressentir.

— Évidemment, je l'ai confronté, reprend-elle après un moment de silence. Je lui ai dit que je savais tout et que j'allais tout dire à sa femme s'il ne le faisait pas lui-même. Je pensais qu'il avouerait, qu'il se rendrait compte de ce qu'il avait fait... Mais il a complètement changé.

Elle s'arrête, comme si les souvenirs étaient trop douloureux à revivre.

— Il m'a frappée, dit-elle finalement, sa voix à peine un souffle. Plusieurs fois. Il m'a dit que si je parlais, il recommencerait... et que je ne pourrais rien faire contre lui. Bon sang Inès, je me suis sentie tellement... impuissante. C'était comme si tout s'effondrait autour de moi.

Je sens les larmes me monter aux yeux. Comment est-ce que quelqu'un peut faire ça à une autre personne, à quelqu'un qu'il prétendait aimer ?

— Tu as fait ce qu'il fallait, dis-je en serrant sa main dans la mienne. Tu l'as quitté, n'est-ce pas ?

Elle hoche la tête avec détermination.

— Oui, je l'ai quitté. Je ne pouvais plus supporter ça. Je ne pouvais pas continuer à vivre dans le mensonge, et prendre le risque qu'il ne lève la main une nouvelle fois. J'ai coupé tout contact avec lui. C'est fini, Inès. Je te le promets, je ne le reverrai jamais.

Je laisse échapper un soupir de soulagement. Elle a pris la meilleure décision, celle qui la protégera. Mais je sais que le chemin pour se remettre de cette épreuve sera long.

— Je suis là pour toi, Lou-Anne. Peu importe ce qu'il se passera, je ne te laisserai pas tomber.

Je veux qu'elle sache qu'elle n'est pas seule, qu'elle a quelqu'un sur qui compter. Elle me sourit faiblement, reconnaissante.

— Merci.

Noël derrière les barreauxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant