One shots - Hélénie

La soupe aux sentiments

J'ai fait une playlist pour les musiques qui seront citées et/ou utilisées (paroles de la chanson de Lenie inspirées de "You Said You'd Grow Old With Me"). Vous n'êtes pas obligées de les écouter mais au cas où :)

https://open.spotify.com/playlist/7GoQgtu77Dmo2tAp6bFbyG?si=UVsHM5J0RdyTSwFYfi7o3Q&pi=zgavgaJsQG6Yo

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Lénie sortait du studio, des cernes bien visibles sous ses yeux. Elle dormait très peu depuis la fin de la tournée tant elle travaillait sur ses premiers morceaux. Depuis son élimination, elle avait gardé au fond de sa tête cette fausse idée que le public ne l'aimait pas et désirait simplement le satisfaire. Elle voulait leur prouver qu'elle avait sa place dans l'industrie musicale, qu'elle avait assez de talent et assez de choses à dire. Lénie voulait leur prouver qu'elle méritait, elle aussi, d'être écoutée.
La brune avait passé les derniers jours à travailler sur le single qu'elle avait dédié à son beau père, disparu un an auparavant. C'était son père. Son ami. Son meilleur ami. Celui qui croyait en elle, qui voyait déjà son prénom en lettres rouges à l'Olympia. C'était étrange la mort. La terre continuait de tourner alors que ton monde s'écroulait. Chaque personne continuait sa vie comme si rien n'était arrivé et pourtant on avait l'impression d'avoir tout perdu.
Sa vie n'avait pas changé depuis son décès. Elle avait continué l'école, elle continuait de chanter et danser mais il n'était pas là. Elle allait dans son lit mais son côté n'était pas défait. Elle cherchait dans ses vêtements mais son odeur n'y était plus et quand elle rentrait le soir, il n'y avait plus ses chaussures dans l'entrée. Seuls ses souvenirs était toujours là. Lorsque la nuit n'était pas étoilée, elle se mettait à chanter à sa fenêtre en espérant voir une étoile, son étoile, briller.
Lénie soufflait. Il lui manquait.
La fatigue et la souffrance pesaient sur la jeune femme et elle n'avait qu'une envie, retrouver les bras réconfortants de sa mère et les rires de son petit frère. Lénie s'arrêta à la sortie du studio et se laissa aller contre le mur. Le visage tourné vers le ciel, elle pouvait voir une étoile briller. Son étoile se disait elle et elle se mit à sourire. "Tu me manques tellement..." Chuchota la brune dans l'espoir que le ciel lui rende celui qu'il lui avait volé, "je vais chanter pour toi. Chacune des notes jouées, chacun des mots que je prononce seront pour toi. Je t'aime tellement..."
Elle savait pertinemment que plus jamais elle n'entendrait le son de sa voix et elle commençait à l'oublier. C'était ça la pire épreuve. Accepter d'oublier.
Sa peine devenant trop grande, Lénie se mit alors en route jusqu'à sa voiture. Il ne faisait pas froid ce soir. La canicule se faisait bien insistante depuis quelques jours et la nuit, la température avait bien du mal à redescendre, l'empêchant de fermer l'oeil. Aucun bruit ne se faisait entendre ce soir, à part des chats qui se battaient et un petit vent faisant remuer les feuilles des arbres. Ce soir, ses pensées étaient bien plus bruyantes que cette ville pourtant si touristique. Arrivée dans sa voiture, Lénie se mit de nouveau à soupirer bruyamment. Elle ne pouvait pas continuer à travailler sur cette chanson un jour de plus ou elle se mettrait à craquer pour de bon devant l'ensemble de son équipe. Demain, elle ferait autre chose pour ne pas s'effondrer, elle ne savait pas encore quoi mais elle savait qu'elle ne pouvait pas remettre les pieds au studio. Pas tout de suite en tout cas.

Elle choisit sa playlist spéciale cœur lourd pour ses trajets en voiture quand elle voulait se vider la tête et se sentir planer. Le titre Monsters du groupe All Time Low commença, la laissant démarrer le véhicule en prenant une grande inspiration. Tout va bien, se disait-elle. Cette chanson lui faisait toujours du bien surtout lorsqu'elle était forte dans ses oreilles. Même si ce n'était pas son genre de musique, elle lui donnait l'impression qu'elle était celle qui hurlait et ça lui faisait du bien. À contre cœur, Lénie baissa le volume de la musique pour ouvrir les fenêtres et laisser le vent passer dans ses cheveux et lui donner l'impression d'être libre. Why do I run back to you like I don't mind if you fuck up my life ? Chantonnait doucement la jeune femme. Elle le sentait. Celle sensation de planer lui faisait toujours un bien fou et elle ne voulait plus penser à son beau-père, elle voulait se sentir vivante. La chanson se termina pour en laisser une autre démarrer. C'était Zjarr de Rina et elle se mit à sourire. Elle ne connaissait pas meilleure musique pour ses virées nocturnes à travers la ville et elle se mit à danser et chanter, les yeux toujours fixés sur la route.
MAYBE YOU DON'T SEE IT, LOVE LIKE THIS IS SO HARD TO FORGET ! cria-t-elle en souriant. Elle aimait tellement cette chanson malgré le fait qu'elle ne comprenait pas le reste des paroles. Sa playlist avait cette ambiance puissante, réconfortante mais aussi libératrice. Elle pouvait tout laisser filer au gré du vent, ses angoisses glissant sur ses cheveux jusqu'à sortir de l'habitacle et disparaître dans la nuit noire. Elle aimait la nuit. Elle aimait la lune. Elle brillait dans l'obscurité, éclairée par le jour comme une flamme intérieure qui ne s'éteignait que très rarement mais qu'elle pouvait toujours raviver rapidement.
Lénie savait qui était sa flamme mais la distance qui la séparait d'elle l'empêchait de briller et de se réchauffer. Loin d'elle, elle avait froid. C'est dans ces moments-là qu'elle se souvenait du documentaire de Nekfeu qu'elle avait regardé un jour, l'une des phrases du film l'avait particulièrement marquée :
'Quand deux étoiles sont trop proches et que l'une d'elles explose en supernova, il arrive qu'elle condamne l'autre étoile à errer sans trajectoire dans l'univers. On les appelle les étoiles vagabondes.'
Elle était une étoile vagabonde. Elle errait depuis quelques mois sans but précis, sans envie et avec tant de matière noire dans sa tête que son corps pesait lourd. Trop lourd pour avancer.