Chapitre 3.5 : Sarinah

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Sarinah, janvier 1402

— Madame ? Puis-je entrer ?

Je m'efforce de me redresser malgré la douleur lancinante qui me martèle le crâne. Ce mal de tête atroce, je suis persuadée qu'il est dû au coup violent que cet homme a porté. Mes yeux, encore embrumés de sommeil, peinent à se focaliser.

— Qui est-ce ? Isaac, c'est bien toi ?

— Oui, madame.

— Sarinah, je m'appelle Sarinah. Oublie que je suis une Princesse. Tu peux entrer.

Mon nouvel ami entre, les bras chargés d'un plateau en argent. Celui-ci est couvert de mets qui semblent exquis. L'odeur alléchante qui s'en dégage ne fait qu'accentuer mon état de confusion.

— ... En effet...

Il tente de détourner le regard, posant le plateau avec une délicatesse mesurée. Son hésitation est palpable, et je sens qu'il cache quelque chose.

— Tu me caches quelque chose... Depuis combien de temps ai-je dormi ?

— Eh bien, en fait... environ une semaine...

— Mais c'est impossible ! Son coup n'était pas si violent que ça, si ?

Isaac baisse les yeux vers ses pieds, se concentrant intensément sur la poussière imaginée sur ses souliers.

— Parle, s'il te plaît...

— Il a ordonné de vous droguer... avec de l'algaether.

Mon cœur s'emballe à l'évocation de ce nom. L'algaether est une substance redoutable, capable de plonger dans un sommeil aussi profond qu'une coma. Le dosage nécessaire pour endormir quelqu'un pendant une semaine est astronomique. La personne chargée de m'administrer cette potion a dû s'y prendre plusieurs fois, sûrement avec beaucoup de prudence.

— Qui ?! Je lui hurle dessus sans le vouloir. Qui a ordonné de me faire une telle chose ?

— L-le... le roi... C'était dans le seul but de ne pas avoir à vous maltraiter avant le mariage. Vous êtes trop difficile à gérer pour lui à cause de sa maladie... Et Goliath ne s'est pas porté volontaire vu qu'il vous abhorre au plus haut point.

Je m'installe en tailleur sur le grand lit, en proie à une colère sourde que je tente de maîtriser. Pour apaiser mes nerfs, je commence à manger les délices que l'on m'a apportés. Chaque bouchée semble m'apporter un réconfort éphémère. Isaac, pauvre valet innocent, est né du mauvais côté. S'il avait été dans mon royaume, il aurait eu une chance d'être heureux, de travailler sans se voir contraint à des actions immorales comme droguer une personne pour la maintenir dans un sommeil constant. Mes parents, dans leur royaume, auraient veillé à ce que chacun soit traité avec respect et dignité, indépendamment de son statut ou de sa fonction. Les lois de mes ancêtres étaient claires et admirables à ce sujet.

Voilà que je repense à feu mes parents...

Quand j'étais enfant, je me perdais souvent en pensées mélancoliques, imaginant comment je réagirais si mes parents mouraient soudainement lors d'une bataille. Je m'imaginais pleurer tant que mes larmes couleraient sans fin, un torrent d'émotions incontrôlables. Ce fut les seuls moments où mes larmes s'échappaient malgré tous mes efforts pour les contenir. Pourtant, depuis l'annonce de leur mort, je n'ai pas eu le temps ni la force de me lamenter. Le poids de leur absence pèse lourd dans ma poitrine, mais je n'ai eu que peu de temps pour le pleurer. À peine sortie du cachot, j'ai tenté une évasion qui s'est soldée par un coup violent à la tête, et selon Isaac, une semaine de sommeil forcé.

De l'Aube au Crépuscule SIGNATURE CONTRAT REFUSÉE. RéécritureOù les histoires vivent. Découvrez maintenant