1. Première impression

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Quelques semaines plus tôt

          La musique assourdissante accompagnait les jeux de lumière, la boule disco et les nombreuses personnes qui se déhanchaient sur le dancefloor de cette boîte de nuit très connue. Certains rires fusaient au-dessus de la musique, prouvant à quel point les gens s'amusaient ce soir. Un verre à la main, certains bougeaient simplement la tête en rythme alors que d'autres dansaient comme si leur vie en dépendait. Quelques personnes étaient recluses dans un coin, se roulant des pelles, se touchant. Voilà le tableau que m'offrait cette discothèque depuis l'un des nombreux tabourets du bar. Je pris une énième gorgée de mon verre de Coca en continuant d'observer toutes ces personnes. L'intérêt d'être seul et d'être discret et peu bavard en public me donnait un gros avantage par rapport aux personnes autour de moi. J'étais plus observateur qu'eux. Ma maman me grondait tout le temps, étant enfant. Quand nous sortions, j'avais la « fâcheuse manie » d'observer les gens. Dans l'autobus, dans la rue, à l'école, dans le tramway... Partout où j'allais, je regardais les autres. J'observais les expressions de ces gens, leurs mouvements, jusqu'à être assez concentré pour remarquer les moindres détails, même les plus minimes tels que les respirations ou la fréquence des battements de cils. Ma mère aimait croire que je dévisageais les autres et elle me grondait alors pour ça. Mais je ne pouvais m'en empêcher, c'était plus fort, bien plus fort que moi et ça l'était toujours autant. Depuis lors, j'ai réussi à faire comprendre à ma mère que j'étais incapable de contrôler cette lubie. Mais, lorsque nous sortions ensemble, elle ne manquait pas de me flanquer un coup de coude dans les côtes lorsqu'elle jugeait que je fixai avec une insistance démesurée une personne.
Les boîtes de nuit, les parcs, les cafés ainsi que les restaurants – ajoutons à cette liste les transports en commun – figuraient dans mes endroits favoris pour une seule et bonne raison : Je pouvais y observer tout un tas de gens en quelques heures seulement. Et pour moi, un homme qui n'avait pas grand-chose à faire de sa vie, enfin, qui n'avait pas beaucoup de centres d'intérêt, ça me faisait passer le temps plus vite. Je n'irais pas jusqu'à dire que je connaissais la vie des gens par cœur une fois que je les ai observés mais je savais comme ils se sentaient, comment ils voyaient la vie et comment ils se comportaient. Et c'était fascinant.
C'était pour cette raison qu'à vingt-quatre ans, me voilà devenu psychologue dans un petit cabinet à Busan. On pouvait presque dire qu'étudier les gens occupait quatre-vingt-quinze pourcent de mon temps, surtout en semaine. Mais ce n'était pas pour me déplaire, au contraire.

— Je nous commande un verre de whisky, tu ne vas pas te plaindre, s'agaça un homme.

Je tournai la tête à ma gauche et constatai qu'ils étaient juste à côté de moi. Oui, ils étaient deux. Un grand homme roux au visage dur et à la carrure qui se voulait imposante tapa le bar avec sa grande main crispée tandis que ses yeux bleus fixaient avec mécontentement un jeune homme à l'allure svelte bien qu'un peu musclée et aux cheveux blonds. À en juger l'expression de colère qui durcit ses traits, le rouquin n'a pas obtenu ce qu'il désirait auprès du blond. J'entendis d'ailleurs ce dernier soupirer.

— Mais je ne veux pas boire d'alcool, Minhyun, protesta faiblement une voix moins grave que la précédente.

Et il semblait bien trop faible ou impressionné pour lever un peu plus le ton.

— Je commande du whisky, point barre, insista-t-il.

Son ton indiqua qu'il ne voulait pas que l'autre homme dise un mot de plus. Ce qu'il fit... Le blond ne dit plus rien et baissa la tête. Je fronçai les sourcils.Pourquoi se laissait-il faire ? L'aura du grand rouquin devait réellement l'impressionner pour qu'il cède à ses ordres. Et il ne devait pas avoir confiance en lui.
Justement, le rouquin m'interrompit dans mon observation au moment où nos yeux se rencontrèrent. Son regard voulait tout dire : je regardais et écoutais quelque chose de privé, qui ne m'appartenait pas. Et, selon lui, je ferais mieux de regarder ailleurs. Mais je n'allais pas me plier aux exigences de cet homme. Je soutins son regard mais à sa différence, je ne montrai aucune agressivité, simplement un regard neutre. Je ne savais pas ce qui l'énervait le plus. Que je les regardais, le blond et lui ou que je les écoutais. À en juger par les insultes qui passèrent dans ses yeux bleus, ma personne en elle-même lui tapait sur le système. Soit. Du coin de l'œil, je vis ses doigts se crisper sur le comptoir sombre. Je pouvais presque dire que la situation, son agacement m'amusait. Il faisait partie des personnes qui étaient faciles à rendre folles. Je pariai que ce gars allait m'apostropher si je soutenais son regard plus longtemps. Le petit blond dut sentir que le rouquin était agacé car il releva la tête vers lui.

The Happiest Man - JikookWhere stories live. Discover now