Le temps d'une cigarette

10. Se raviser

Hello ! ☀️

Musiques conseillées : Never There - Sum 41, Space - Biffy Clyro, You - The Pretty Reckless

Bonne lecture !

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Lorsqu'il pénétra dans son appartement, le sourire de Jordan s'effaça presque instantanément. Obscurité et silence ; un contraste édifiant par rapport à l'ambiance qu'il avait quitté quelques minutes plus tôt. En fait, le seul bruit que l'on pouvait entendre distinctement, c'était les gargouillements de son ventre. À la fin de la soirée, Gabriel et lui s'étaient rendus compte d'une chose : ils avaient complètement oublié le pauvre livreur UberEats. Le téléphone d'Attal, posé sur le comptoir de sa cuisine, avait vibré de nombreuses fois sans qu'ils ne s'y intéressent. Qui plus est, fait extrêmement rare, Jordan avait oublié sa faim. Metaphoriquement, c'était un peu comme s'il était rassasié là-bas, chez lui. Ici, il était affamé à nouveau.

Alors naturellement, il se jeta sur la première chose qu'il trouva au fond de son frigo. Une fois repu, il fila vers sa salle de bain à pas de loup. À cette heure-ci, Suzanne devait dormir. Il l'espérait. Il n'avait pas envie d'éclater la bulle de sérénité dans laquelle il se trouvait, pas si tôt. La réalité allait inévitablement finir par le rattraper, mais il souhait retarder l'échéance. Après une rapide douche, il se dirigea vers sa chambre. Lorsqu'il ouvrit la porte, il tomba sur sa compagne, assise sur le lit, son ordinateur sur les genoux. Raté. Il soupira. Elle leva les yeux de son écran.

- Hey, le salua-t-elle en levant son regard brièvement. Comme d'habitude, elle semblait absorbée par son travail, même à plus de minuit.

- Hey, répondit-il en s'approchant du lit. Il glissa sous les draps, à coté d'elle.

- Il est tard, fit-elle remarquer. Ce n'était pas vraiment une question mais il savait qu'une forme d'interrogation se cacher tout de même dans ses paroles. 

Jordan sentit poindre une légère gène à sa question. Un peu de culpabilité aussi. Il ne pouvait pas décemment lui dire la vérité mais il ne souhaitait pas lui mentir non plus. Il avait toujours été honnête avec elle... Enfin, autant qu'il l'était avec lui-même.

- Je suis sorti avec un collègue, répondit-il de façon évasive. Ce n'était pas un mensonge. Une omission, au plus.

Elle arrêta d'écrire sur son ordi et releva les yeux vers lui,  les sourcils fronssés. Elle savait qu'il ne sortait quasiment jamais si cela ne concernait pas le boulot. Dans sa tête, il suppliait tous les dieux auxquelles il ne croyait pas pour qu'elle en reste là.

- Tu n'as pas rendez-vous avec Marine demain matin ?

Il prit dans ses mains un livre posé négligemment sur la table de nuit. Il n'avait manifestement pas envie de lire, mais cela lui donnait une certaine contenance.

- Comme après-demain, et le jour d'après. Si je dois attendre de ne plus la voir pour sortir, je vivrais enfermé.

- Ce n'était pas un reproche, dit-elle en se focalisant à nouveau sur son ordinateur, mais en pleine concertation sur le prochain gouvernement, ce n'est peut-être pas très raisonnable. Tu as une autre réunion avec le Président qui arrive, non ?

Jordan soupira, las.

- Notre position est là même d'une réunion à l'autre. Nous avons déjà travaillé nos arguments. 

Au fond, elle avait peut-être raison. Il y avait toujours des choses à faire. S'il n'avait pas été chez Gabriel, il aurait certainement passer la soirée à travailler. Mais il n'arrivait pas à regretter. Son regard parcourait les lignes de son livre, mais s'il les voyait, il ne les lisait pas. Son esprit était encore emprisonné dans l'appartement de son adversaire. Un léger pétillement tirailla le bout de ses doigts lorsqu'il repensa à leur proximité. Il pouvait encore sentir son odeur et la chaleur de ses doigts guidant les siens. Mais un détail lui réchauffait particulièrement le coeur : même si Gabriel lui avait appris la mélodie avec attention, il n'avait rien attendu de lui. C'était une des première fois où il avait apprécié le chemin plus que l'objectif.