Le temps d'une cigarette

17. Se reprocher

Hello ! Désolée pour cette longue attente, la semaine fut très chargée et je n'ai pas eu une minute à moi. Je vais essayer d'être plus régulière cette semaine !

Musiques conseillées : What was i made for ? - Billie Eilish et Easy on me - Adèle

Bonne lecture !

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"Pourquoi veux-tu un sens ? La vie est une désir, pas un sens" - Charlie Chaplin.

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Jordan resta paralysé pendant de longues minutes contre la porte de son appartement, le coeur avide et à vide. Le temps que sa respiration se calme (comment le pouvait-elle ?), le temps de reprendre ses esprit (y arriverait-il vraiment ?) et le temps de réaliser ce qui venait de se passer.

Son esprit, éteint brièvement par leur échange, reprenait peu à peu ses droits et son refrain inquisiteur. Il fonça directement vers la salle de bain et s'aspergea le visage d'eau froide, un contraste qui lui brûla presque les joues tant elles étaient encore rougies par l'incandescence de leur baiser. Lorsqu'il releva la tête, il se confronta instantanément à son reflet dans la glace. Lui qui d'ordinaire se plaisait à admirer son apparence impeccable et son assurance à toutes épreuves dû pour une fois se faire violence pour ne pas baisser les yeux. Il n'y voyait plus le chef de parti, puissant et adulé, il y voyait Jordan, ébranlé et confus. Il s'était toujours cru en phase avec lui-même, comme s'il s'était trouvé jeune et qu'il n'avait plus eu qu'à dérouler le fil de sa vie sans trop y réfléchir. Depuis son entrée en politique, il n'avait plus jamais regardé en arrière. Une seule destinée. Une seule mission. 

Mais, qui était-il, vraiment ?

À vrai dire, il n'avait pas toujours été ce jeune loup carriériste et cérébral. Enfant, il était de ceux qui posaient sans cesse des questions sur le pourquoi du comment, sur la vie, sur les gens ; mais on ne lui répondait jamais vraiment. On l'avait toujours trouvé trop bruyant, trop curieux. Et puis un enfant qui s'intéresse, qui parle sans arrêt, ça ennuie. Dans le tumulte du quotidien et la frénésie de leurs vies respectives, ses parents - comme tant d'autres -, n'avaient pas le de temps pour un bambin qui se demande pourquoi la dame du métro pleure ou pourquoi les arbres sont verts. Jordan avait évolué dans un univers où les enfants étaient considérés comme des sous-hommes. Ils devaient rester silencieux à coté des adultes, qui eux, avaient la science infuse. Il avait essayé de s'incruster dans les discussions mais tout ce qu'il recevait était des « tais-toi et file dans ta chambre ! ». Cette soif mordante de savoir, de connaissance et de compréhension, on le lui avait très vite retiré. Et puis, on avait couvert cette innocence et insouciance de fausses croyances. Un garçon, ça ne pleure pas. Un garçon, ça réussit. Avec les filles, il faut être ferme, et puis elles n'aiment que les bad-boy, de toute manière. Et puis, ce sera toi l'homme de la maison, le patriarche, tu dois assurer en toutes circonstances. Pour la plupart des gens, cela représentait un cliché d'un autre temps. Pour certains, c'était encore malheureusement le quotidien. 

On avait commencé à l'écouter quand il s'était intéressé à la politique. Enfin, il faut bien le dire, surtout quand il avait gravi les échelons. Là, sa parole avait gagné en légitimité. On ne lui disait plus de se taire, au contraire, on se taisait pour l'écouter. Il avait alors compris le sens du monde, le sens de son monde : s'il voulait être pris au sérieux, il fallait qu'il réussisse. S'il voulait qu'on l'écoute, qu'on le considère, il fallait qu'il soit au plus haut. Il s'était alors jeté corps et âme vers ce seul et unique but. Plus il embrassait le pouvoir, plus les femmes s'étaient intéressées à lui, plus les plus vieux lui donnaient la parole. Cela l'avait grisé, grisé au point d'en oublier ce petit Jordan, souvent à fleur de peau et désireux de découvrir le monde dans toute sa complexité.