Chapitre 4: Un message brûlant

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—Tu n'habites plus chez ta mère ?

Je colle mon front sur la vitre de l'Audi, observant les gouttes s'écraser sur le sol. J'aurais aimé qu'à cet instant précis, Maël reste silencieux. Que nous n'échangions aucun mot jusqu'à la fin du trajet, mais apparemment, il en a décidé autrement.

Je n'ai pas la force de répondre, encore moins lorsqu'il s'agit de ma mère. Ma gorge est comme nouée par des lianes. Je secoue simplement la tête.

Il se reconcentre sur la route, la main sur le volant. J'ai été surprise d'apprendre que Maël Hernandez n'avait pas de chauffeur et conduisait lui-même son Audi.

Personnellement, je n'ai aucun des deux.
Ciara sait que je ne sors jamais de mon appartement, encore moins pour aller en cours. Elle ne s'est donc jamais donné la peine de m'en proposer.

Lorsque j'ai fui l'État de Washington pendant plusieurs mois dans ma première vie, je me suis habituée aux transports en commun au fur et à mesure. Alors ce n'est pas vraiment un problème d'aller en cours, même si peu de bus passent au lycée Wilder. La plupart des élèves sont amenés par un de leurs chauffeurs, alors ils n'en ont jamais eu besoin.

Devoir adresser la parole à Ciara pour quelque chose d'aussi futile n'est pas non plus dans mes options.

—Tu as froid ?

Je tourne la tête pour l'interroger du regard. Il est sérieux ?

—Si oui, tu ferais quoi ? demandé-je sarcastique.

—Rêve encore. J'ai été assez généreux de t'avoir passé mes affaires. N'attends pas plus de moi.

—Depuis quand es-tu devenu aussi égoïste et ingrat ?

—Je ne savais pas que tu en savais autant sur moi, pour savoir si j'étais ou non égoïste et ingrat.

J'en sais bien plus que tu ne le penses.

—Figure-toi qu'il suffit d'avoir ton prénom pour connaître toute ta vie.

Un sourire en coin apparaît au coin de ses lèvres. Il ne dévie pas son regard de la route et me répond tout aussi froidement :

—Alors tu as fait des recherches sur moi ? C'est assez injuste, car personne ne sait rien de l'héritière Hart.

—Pourquoi on devrait s'intéresser à moi, au juste ?

—Tu es un mystère total, tu le sais ? Je suis un livre ouvert, tandis que toi, à part le nom de ta mère et les affaires de tes entreprises, tu m'es complètement inconnue.

C'est faux, tu n'es pas un livre ouvert. Il y a tellement de choses sur toi que j'aimerais savoir.

—Dans ce cas, jouons à un jeu. Pose-moi une question et j'y répondrai. Et étant donné que j'ai déjà répondu à une de tes questions, tu m'en dois une.

Il incline la tête sur le côté.

—Ce n'est pas un peu enfantin ?

Si je n'ai que cette solution pour en savoir plus sur lui, ça m'importe peu. C'est une opportunité que je ne peux pas me permettre de refuser. Il se mordille la lèvre, hésitant, puis finit par reprendre la parole à nouveau, la voix plus grave :

—D'accord, mais ne me mens pas lorsque je te pose une question. Le jeu perdra tout son sens, et je ne verrais pas de raison de le continuer.

Cette journée a peut-être commencé par une merde totale, mais je n'aurais pu espérer mieux.
Le destin ne me déteste pas autant finalement ?

—D'accord, alors dis-moi pourquoi tu as sauté. Et ne me mens pas toi non plus en prétextant un entraînement. Donne-moi la véritable raison.

Il gare sa voiture en bas de mon immeuble, les mains toujours sur le volant. Il reste silencieux, assez pour que je finisse par croire qu'il ne me répondra jamais, mais il rétorque alors :

—Ce n'est que lorsqu'on frôle la mort qu'on se sent le plus vivant. C'est assez pour toi, maintenant ?















Je dépose les clés de mon penthouse sur un de mes meubles, puis m'écroule sur l'un des canapés. J'observe silencieusement le grand salon meublé par Ciara elle-même, rangé à merveille alors que ce matin encore, je l'avais laissé en bordel lorsque j'étais à la recherche de mon ancien uniforme.

Ciara m'avait dit de choisir ma décoration moi-même. Mais je ne l'ai jamais fait, alors elle a pris les devants et s'en est occupée. Elle a peut-être cru que ça m'arrangerait et me débarrasserait alors d'une trop grande tâche pour moi. Mais au contraire, je n'avais pas la force de me lever et faire mon lit, alors ranger un aussi grand appartement était quasi impossible pour moi avant.

Dans la période la plus sombre de ma vie, il y a cinq ans, ma chambre n'était jamais rangée. Mon appartement ? Sens dessus dessous.

Et j'éviterais de mettre l'état du salon après mes anciennes phases et crises, sur le tapis. Je crois que la seule bonne chose qu'elle ait finalement faite dans toute sa vie pour moi, est d'avoir embauché une femme de ménage.

Mais aujourd'hui, je ne trouve plus ça vraiment nécessaire. Mes crises sont devenues rares, voire presque inexistantes.

La vibration de mon téléphone à clapet résonne dans la poche de mon short. Je déglutis, tandis que mon cœur s'accélère, lorsque je me souviens qu'il n'y a que deux personnes qui connaissent mon numéro.

La première est Ciara, mais elle préférait sûrement mourir plutôt que d'appeler sa fille. La nausée me tord le ventre lorsque je comprends qu'il ne reste que lui.

JESSE : On peut se voir ce soir ? Appelle-moi.

Burning HeartOù les histoires vivent. Découvrez maintenant