Chapitre 11

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Je suis restée plus de deux heures à attendre Hernandez, cachée près des vestiaires de l'équipe de natation du lycée.

Si le lycée est réputé pour avoir fait d'une poignée d'héritiers les hommes et les femmes les plus puissants des États-Unis actuellement, il l'est également pour être en train de préparer les futures élites du sport.

Maël était l'un d'entre eux par le passé. Enfin, c'était jusqu'à ce qu'il mette fin à ses jours, et par conséquent à sa carrière qui n'avait même pas encore vraiment commencé.

Lorsque sa mort a été annoncée, j'ai passé en revue chacune de ses compétitions et, si j'arrivais à en trouver, ses entraînements. Je ne m'y connais pas vraiment en sport, encore moins en natation, mais après tout ce que j'ai vu de lui, je pense qu'il est l'un des seuls héritiers à avoir mérité sa notoriété dans ce monde, non pas par son argent ou par le pouvoir de ses parents, mais seulement grâce à son travail acharné.

Une douzaine de nageurs que je reconnais facilement par leurs uniformes et leurs cheveux à peine séchés sortent des vestiaires, brisant le silence qui occupait le couloir.

Après une dizaine de secondes, je parviens à apercevoir le visage de chacun des sportifs, dont quelques-uns que je reconnais vaguement. Mais la seule information que j'arrive à retenir est qu'il n'est pas là, du moins pas parmi eux.

Peu après, ils sortent du couloir, quittant l'annexe, remettant ainsi en place le silence qu'occupait le corridor. Mon cœur s'emballe lorsque mon regard se pose sur la porte des vestiaires, qu'ils ont laissée ouverte.

Je n'ai pas vraiment réfléchi à la façon dont j'allais l'approcher. Il y a quelques semaines, mon but était de le sauver, de lui-même. Ça n'a pas vraiment changé, si ce n'est le fait que Jesse déséquilibre légèrement l'équation.

Si je ne fais rien, il finira par mourir, mais si je l'approche, Jesse pourrait nous tuer tous les deux. Mais c'est sans importance, si je pouvais me sentir vivante. Je trouverais peut-être une solution pour m'échapper de ses griffes tout en épargnant Maël de sa destinée.

Je m'apprête à m'approcher discrètement des vestiaires pour vérifier s'il est à l'intérieur, mais une voix que je reconnais à peine résonne au fond du couloir : celle du directeur. Tandis que d'autres éclats de voix résonnent, une main vient se plaquer sur mes lèvres, et une autre s'enroule autour de ma taille pour m'entraîner dans une pièce adjacente.

Mon corps réagit instinctivement à ce contact, mon pied heurte violemment le mollet de mon assaillant. Je m'apprête à le repousser en le frappant, mais il intercepte vite ma main.

— Arrête d'essayer de me blesser, Jude.

Au son de sa voix, je me fige, tandis que mes yeux croisent les siens en une fraction de seconde. Mon corps est plaqué contre le mur d'une pièce qui, je pense, doit être un placard.

— Qu'est-ce qui t'a pris, putain ? J'ai cru que j'allais mourir !

Maël mordille anxieusement sa lèvre inférieure avant de relâcher sa prise sur moi. Je m'apprête à lui crier dessus, mais il dépose son doigt sur ma bouche pour m'indiquer de me taire.

Je le fixe pendant plusieurs dizaines de secondes, perplexe. Les éclats de voix que j'avais récemment entendus se font de plus en plus forts, à mesure que le directeur s'approche près de nous.

J'hausse un sourcil lorsque je comprends qu'il essaie de nous dissimuler, et d'eux. Mais pourquoi ?

Lorsqu'ils sont assez loin, j'entends Maël pousser un soupir, sûrement de soulagement.

— Qu'est-ce que c'était, ça ? Tu veux bien m'expliquer ?

— Ce n'est pas moi qui te dois des explications, Jude. Mais faisons court : si le directeur te reconnaît comme étant l'une des héritières les plus importantes, sache qu'il ne te lâchera plus jamais de la semelle. C'est un vrai lèche-bottes si tu veux tout savoir.

— Qu'est-ce que ça peut bien te faire ?

— Je n'ai pas le droit de te faire une faveur ?

— Ce n'est pas ce que je voulais dire, c'est juste que...

— Peu importe, dans tous les cas, On est les deux seules personnes restantes dans l'annexe sportive, je ne veux pas qu'il essaie de faire un lien entre nous deux, ou s'imaginer des choses. Et il se posera des questions sur le fait que tu n'es pas dans un bâtiment où tu devrais être.

 Je n'arrive pas à bien observer son visage dû à l'obscurité de la pièce, cependant je sens parfaitement son regard me scruter sans la moindre gêne. Il doit sûrement se poser la même question lui aussi.

— Pourquoi tu es revenue ? Ça fait deux semaines que je ne t'ai plus vue, tu as disparu aussi vite que tu es venue.

Il a remarqué mon absence ?

— Je devais régler quelque chose. je répond brièvement, pour ne pas approfondir plus ce sujet. 

Il me fixe silencieusement, cherchant la moindre émotion sur mon visage qui pourrait me trahir. 

— T'aurais-je manqué, Maël, par tout hasard ?

Mes lèvres se retroussent en un sourire en coin, lorsque j'arrive à percevoir son visage. Il n'arrive pas à contenir ses émotions que ça en devient presque drôle. Il lève les yeux au ciel, et détourne son regard vers la porte pour échapper au mien.

— Ne rêve pas trop.

— Peu importe, désormais je suis revenue, ça n'a plus d'importance, n'est-ce pas ?

Il ne me répond pas. Je doute qu'il soit d'humeur à faire la discussion avec moi. 

— Il est 19 heures passées, allons manger quelque part.

Waouh. Si je disais que je m'attendais à ce qu'il me facilite autant la tâche, je mentirais. Je reste quelques instants perplexe face à sa proposition, avant de finalement le suivre, sans m'y attarder.

Il me prend par l'avant-bras pour nous diriger vers la sortie arrière du lycée.

— Je ne veux pas qu'on nous voie ensemble, se justifie-t-il.

Je partage son opinion. Après le retour de Jesse, la dernière chose que je veux est qu'on nous aperçoive ensemble. Je ne veux pas que ma compagnie devienne pour lui un danger.

Mais elle l'est déjà.


Burning HeartOù les histoires vivent. Découvrez maintenant