Chapitre 3 Ethan

147 16 0
                                    

Ethan

La douleur me réveille en sursaut. Mon corps entier est comme une plaie à vif, chaque mouvement m'arrachant une grimace. Les événements de la veille me reviennent par flashs : les poings de mon père, le bruit sourd des coups, ma tête heurtant le sol.
Je me redresse péniblement, retenant un gémissement. Un coup d'œil au réveil m'indique qu'il est à peine 6h du matin. La maison est silencieuse, mon père probablement encore inconscient après sa beuverie d'hier soir.
Lentement, je me dirige vers la salle de bain. Le miroir me renvoie l'image d'un visage méconnaissable : œil au beurre noir, lèvre fendue, ecchymoses parsemant ma mâchoire. Impossible d'aller au lycée dans cet état.
Une vague de panique me submerge. Si je reste à la maison, mon père va savoir que quelque chose ne va pas. Et s'il découvre que j'ai manqué les cours...
Non. Je ne peux pas rester ici.
Dans un état second, je retourne dans ma chambre, fourre quelques vêtements dans mon sac à dos. Mon portefeuille contient à peine 20 dollars, mes maigres économies que j'ai réussi à cacher à mon père.
Où aller ? Je n'ai nulle part où me réfugier. Pas d'amis proches, pas de famille à qui faire confiance.
La panique menace de me submerger à nouveau, mais je la repousse. Pas le temps pour ça. Je dois sortir d'ici.
Je descends les escaliers sur la pointe des pieds, évitant soigneusement les marches qui grincent. Dans le salon, mon père ronfle sur le canapé, entouré de bouteilles vides. La vue me donne la nausée.
Une fois dehors, l'air frais du matin me fait frissonner. Je marche sans but précis, m'éloignant le plus possible de la maison. Les rues sont désertes à cette heure, me permettant d'avancer sans craindre les regards curieux.
Au bout d'une heure de marche, la douleur devient insupportable. Chaque pas est une torture, ma vision se trouble par moments. Je m'appuie contre un mur, essayant de reprendre mon souffle.
C'est alors que je le vois : l'hôpital Mercy General. Le bâtiment imposant se dresse devant moi, comme un phare dans la brume.
L'idée me frappe soudainement. L'hôpital. Un endroit où je pourrais trouver de l'aide, où je pourrais me cacher pendant quelques heures. Peut-être même obtenir des soins sans que mon père ne le sache.
Rassemblant mes dernières forces, je me dirige vers l'entrée des urgences. Le hall est relativement calme, quelques patients attendant leur tour.
À l'accueil, une infirmière lève les yeux vers moi. Son expression passe de l'ennui à l'inquiétude en une fraction de seconde.

-Mon Dieu, que vous est-il arrivé ? demande-t-elle, se levant précipitamment.

Je tente de répondre, mais les mots restent coincés dans ma gorge. La fatigue, la douleur et l'émotion me submergent d'un coup. Mes jambes se dérobent sous moi.

-J'ai besoin... d'aide, je murmure avant que tout ne devienne noir.

Je reprends conscience dans une chambre d'hôpital. La lumière vive me fait cligner des yeux. Une perfusion est reliée à mon bras, et je sens des bandages sur mon visage et mon torse.

-Tu es réveillé, dit une voix douce.

Je tourne la tête pour voir une infirmière me sourire gentiment.

-Comment te sens-tu ?

-Je... je ne sais pas, je réponds, ma voix à peine audible.

-C'est normal d'être un peu désorienté, explique-t-elle. Le Dr. Bennett va venir te voir dans un instant. Il pourra répondre à toutes tes questions.

Dr. Bennett. Ce nom ne me dit rien, mais l'idée de faire face à un médecin me remplit d'appréhension. Vont-ils appeler mon père ? La police ?
Avant que je puisse poser la moindre question, la porte s'ouvre. Un homme d'une quarantaine d'années entre, son visage affichant un mélange de professionnalisme et de préoccupation.

-Bonjour, Ethan, dit-il d'une voix calme. Je suis le Dr. David Bennett. Comment te sens-tu ?

Nos regards se croisent, et quelque chose d'indéfinissable passe entre nous. Pour la première fois depuis des années, je me sens... en sécurité.
Mais cette sensation est vite remplacée par la peur. Que va-t-il se passer maintenant ? Comment vais-je expliquer tout ça ?
Alors que le Dr. Bennett s'approche de mon lit, je sens les larmes monter. Toute la tension, la peur et la douleur des derniers jours menacent de déborder.

-Tout va bien, Ethan, murmure le médecin, posant doucement sa main sur mon épaule.

-Tu es en sécurité ici. Nous allons t'aider.

Et c'est à ce moment-là, face à cet étranger qui me regarde avec plus de compassion que je n'en ai jamais vu dans les yeux de mon propre père, que je craque. Les sanglots secouent mon corps endolori, libérant des années de souffrance silencieuse.
Le Dr. Bennett reste là, sa présence rassurante, alors que je pleure toutes les larmes de mon corps. Pour la première fois de ma vie, j'ai l'impression d'avoir trouvé un refuge.
Mais une petite voix au fond de moi me rappelle que ça ne peut pas durer. Que bientôt, je devrai faire face à la réalité. À mon père. À ma vie.
Pour l'instant, cependant, je m'autorise ce moment de faiblesse. Ce moment où, enfin, je ne suis plus seul.

À l'ombre de nos cœurs Où les histoires vivent. Découvrez maintenant