See Through

Deux

— Je ne peux plus me voir cette paperasse, souffla Finn Foster en se laissant tomber dans son fauteuil.
Après un long soupir en se massant les tempes il se releva en se dirigeant vers le bar pour se servir un bourbon.
Il lui restait une montagne de détails à gérer avant de finaliser son dossier d'expertise pour Citigroup Inc. une grande banque américaine. Il en avait plus que marre de faire la basse besogne mais ce contrat était trop important pour sa carrière pour qu'il ne laisse place au hasard.

Gérard, son majordome annonça son arrivée avant de pénétrer dans le bureau crème et impersonnel de son patron.
— Manolo pour vous au téléphone.
Finn claqua la langue d'exaspération en se pinçait l'arrête du nez. Il avait besoin de vacances et surtout d'aucun scandale dans les deux semaines à suivre s'il voulait finaliser ce contrat. Et autant qu'il pu aimer Manolo, il était la dernière personne à pouvoir lui fournir ces deux semaines de tranquillité.
— Ouais, fait vite j'ai encore des banquiers à convaincre, il annonça acerbe en prenant le combiné.
— Je vois que ton humeur est aussi massacrante que la mienne, répondit Manolo d'un ton faussement enjoué. Je ne t'appelle pas pour l'agenda de tes états d'âme figure toi. J'ai besoin de savoir avec qui tu viens pour le défilé.
Même si ce coup de fil ne le laissait pas transparaître, Manolo et Finn faisaient la paire. L'un était encore jeune mais fermé et l'autre d'un âge mûr, rayonnant de douceur.
Leurs familles respectives étant proches, Manolo connaissait Finn depuis sa naissance et l'avait tout de suite considéré comme un frère. Bon disons un fils avec l'écart d'âge important qui séparait les deux hommes.
— J'en sais trop rien, souffla une énième fois Finn. Je pensais venir avec Maïa pourquoi ?
— La brunette ? PARFAIT ! Je cherchais un chef d'œuvre à te faire porter et je viens de trouver. Envoies moi ses mensurations que j'ajuste, et il raccrocha avant de lui laisser le temps de répondre.
Maïa était ce qui se rapprochait le plus pour Finn d'une amie. Malgré une rumeur sur une sois-disant relation entre eux deux il y a de ça quelques années, elle était quelqu'un de tellement appréciée par la presse qu'il était impossible de faire un scandal avec elle à son bras. Finn en revanche avait déjà écopé de son lot de ragots qui était majoritairement dû au fait qu'il n'apparaissait jamais deux fois au bras de la même personne.

Il composa rapidement le numéro de Maïa sur le téléphone, pressé d'en finir avec ce défilé.
— Comment va mon voleur préféré ? Lâcha paresseusement Maïa de l'autre côté de la ligne.
— Tu peux venir pour le défilé de Manolo dans trois jours ? Répondit Finn du tac-au-tac ignorant l'insulte à sa profession.
— Ah désolé mais je suis en plein tournage en Nouvelle-Zélande donc ça va être un peu compliqué. Je t'envoie le contact d'une mannequin que je connais bien pour me remplacer.
— Peut importe, envoie-moi ses mensurations plutôt que son numéro, moins je lui parle mieux je me porte, s'agaça Finn.
Il avait d'autre chats à fouetter et notamment d'autres banquiers.
Après avoir finis son verre il se remit au travail.

Il passa les deux jours suivant la tête dans ses papiers. Gérard qui avait l'habitude, lui amenait ses repas dans son bureau discrètement afin d'éviter de perturber son patron. Finn vivait dans son bureau la plupart du temps si bien que les draps de sa chambre étaient rarement changés.
Et puis il n'aimait pas dormir dans un lit vide, il ne voyait pas l'intérêt d'avoir un matelas aussi grand pour lui tout seul.
Comme d'habitude il s'était assoupi la tête étalée sur les papiers de comptes qui lui restèrent collés au visage quand il se releva le lendemain matin.
En essayant de mettre de l'ordre dans ses affaires et dans sa tête, il se dirigea vers la douche.
En sortant son regard se posa sur sa chemise pleine de café. Il secoua la tête en se remémorant le café que la femme de ménage lui avait lancé à la figure. Un demi sourire étira son visage au souvenir de cette matinée. Il fallait avoir du cran pour faire ce qu'elle avait fait, sachant qu'il était assez influent pour faire en sorte qu'elle ne trouve plus de travail.
Gérard l'interrompit dans ses pensées en passant sa tête garnie de cheveux blancs par la porte.
— Excusez-moi monsieur, vous ne répondiez pas j'ai cru qu'il vous était arrivé quelque chose. C'est au sujet de Kimberly.
— Qui ça ? Il arqua un sourcil.
— La jeune femme qui vous accompagne au défilé Manolo.
— Ah oui, quoi ? Il l'avait complètement oubliée.
— Et bien elle arrive dans un quart d'heure, il lâcha d'un regard réprobateur sur la serviette de son patron.
— Dites lui que je serait en retard de quinze minutes, il se tourna vers sa réflexion dans le miroir, arrangeant ses cheveux comme il le pouvait.
Gérard secoua la tête, énervé.
— Monsieur si je peux me permettre, la maquilleuse et le coiffeur sont dans le salon.
— J'arrive tu peux disposer, ajouta Finn d'un air supérieur. Ah ! Et tu pourras laver cette chemise ? Je l'aime bien.

En s'engouffrant dans la voiture il vit Kimberly, habillée d'une robe faite dans le même tissu que son costume. Kimberly n'avait aucun charme. Elle était l'une de ces mannequins qui avait un visage symétrique à en avoir peur. Elle était grande et blonde et portait la robe comme un cintre. Ni plus ni moins.
— Ravissante.
— Merci, j'ai fait attention à assortir mes ongles avec la couleur de la robe.
Finn parlait uniquement de la robe mais il n'eut pas le courage de le lui dire en face. Et puis elle était objectivement jolie donc il lui accorderait ce compliment.
Ils parlèrent du beau temps, de la haute couture et surtout de leur proximité à venir sur le tapis menant au défilé. Maïa avait briefé Kimberly, donc Finn n'eut pas trop de soucis à se faire. Il resterait a une distance respectable, comme d'habitude, et poserait sa main dans son dos uniquement pour les photos.

A l'arrivée les flash et le bruit des photos le crispèrent mais il se contenta de sourire en aidant Kimberly à sortir de la voiture avec sa traîne gigantesque. Ils firent une pause unique pour donner leurs quotas de photos aux journalistes avant l'arrivée d'autres personnalités publiques et s'engouffrèrent dans le bâtiment.
Il furent accueillis par un majordome assez jeune qui leur indiqua le chemin à suivre pour accéder aux places assises pour le défilé.
Finn ne prit pas la peine de faire la conversation à Kimberly qui se révélait de plus en plus inintéressante et patienta derrière un couple de personnes d'âge mûres, pour pouvoir enfin s'asseoir.
Mais en arrivant devant la réceptionniste, Finn s'arrêta.
Il s'agissait de la jeune femme qu'il avait virée quelques jours plus tôt. Les mêmes lunettes noires et les mêmes cheveux cours couleur blé.
Il s'approcha toujours sous le choc et les lèvres de la jeune femme s'étirèrent en un sourire malicieux.