— Je vois.
Furent les premiers mots prononcés par Olive Martin lorsqu'elle rencontra Finn Foster.
Pourtant Finn ne la regardait pas et Olive ne le voyait pas.
Finn venait juste de lui annoncer qu'elle était virée sans même lui jeter un regard et Olive ne le voyait pas.
A vrai dire, Olive ne voyait rien.
Elle se leva faisant bruisser son trench contre le fauteuil en cuire et se tint de toute sa hauteur, le menton relevé, droite comme un piquet.Finn ne faisait jamais dans la dentelle. Il était influent et occupé. Il ne pouvait pas prendre plus de trois minutes pour virer cette employée où bien il serait en retard à sa réunion. Il bu une gorgée de son café qu'il reposa avant de se remettre à remplir la paperasse qu'il avait sous les yeux. Il n'attendait qu'une chose pour partir en réunion : que cette femme de ménage prenne congé.
Si Olive n'aimait pas la bourgeoisie, elle détestait la bourgeoisie snob. Elle s'empara du café et le lui jeta à la figure.
— Pour vous rafraîchir les idées.
Elle leva son majeur en se dirigeant vers la sortie d'un pas félin et claqua la porte sans qu'il n'ai eu le temps de répliquer.Après la porte du bureau, trois pas à droite puis les escaliers à gauche avec la rambarde lustrée. Putain de gosse de riche ! La porte d'entrée située en face des escaliers était déjà ouverte et elle la ferma derrière elle avant de s'arrêter trois pas plus loin.
D'un même geste elle cala son téléphone à touches contre son oreille et sortie une cigarette.
Ses grandes lunettes de soleil noires en automne ne suscitaient même pas la curiosité des passant. Après tout New York en avait déjà vu de toutes les couleurs et de toute façon les New Yorkais étaient trop pressés pour prêter attention à une femme de ménage -que dis-je ?! Une ex-femme de ménage- entrain de s'en griller une devant la maison d'architecte de Monsieur Finn Foster.
—Ouais, allô ? Tu veux bien venir me chercher, je me suis faite virée, elle éloigna le combiné de son oreille sachant qu'elle allait se faire crier dessus.
— Moi aussi je t'aime, mais dépêche toi, il fait un froid de canard.
Coupant son interlocutrice en plein phrase elle raccrocha. Le silence agité de New York l'enveloppa et elle retrouva le banc sur lequel elle patientait tous les jours, attendant que Frankie viennent la chercher.
Frances —de son vrai nom— n'était pas son chauffeur personnel mais bien une amie à elle avec qui elle avait passé plus de la moitié de sa vie.
Elle reconnu immédiatement le bruit de la petite Golf de son amie et marcha tout droit entre deux voitures pour s'engouffrer dans l'habitacle.
— Je vais te trucider.
— Les menaces de mort sont punies de dix ans de prison Frankie, et j'ai encore besoin de tes yeux, donc je vais faire comme si je n'avais rien entendu.
— Olive Martin ! A quoi ça sert que je me classe le cul à te trouver des jobs si c'est pour que tu te fasses virer !?
— Arrête de t'énerver, tu sais comme moi que c'est un con.
— Un con friqué comme pas deux Liv ! Si ça peut nous permettre de survivre tu baisses les yeux et tu obéis !
— A quoi ça sert que je baisse les yeux Frankie ? JE SUIS AVEUGLE !
— C'est une métaphore ! Elle vit presque son amie lever les yeux au ciel. Bon dieu qu'est ce que j'ai fait pour mériter ça...
Frankie se gara dans une petite ruelle qu'elle reconnue — au nombre et à la direction des virages qu'elles avaient pris— comme étant la rue du garage.Comme depuis les trois dernières années, Olive descendit de la voiture, pivota de quatre-vingt-dix degrés à droite et emprunta les escaliers en ferraille qui menaient au premier étage de l'immeuble. De là elle compta ses pas —à vrai dire elle ne les comptait plus vraiment tant elle connaissait bien le trajet— en sortant les clés de l'appartement. Enfin si on pouvait l'appeler comme ça. Il s'agissait d'un studio une pièce dans lequel elle habitait avec Kali, sa meilleure amie/ chauffeur/ garagiste à temps plein.
Olive aurait été incapable de décrire la vue de l'appartement depuis la porte d'entrée mais elle pouvait décrire de quinze manières différentes le bois de la table du salon, le faux cuire du canapé ou encore les rayures sur la porte du four.
Ses yeux étaient ses mains, son nez et ses oreilles. Elle n'avait pas un odorat super développé, ni un touché hyper sensible ou bien même l'ouïe fine. Non ce qu'Olive possédait était le pouvoir de l'habitude.
Elle explorait New York depuis l'âge de six ans et connaissait la ville comme sa poche.D'ailleurs ! Ses poches parlons-en ! Dans la poche droite de chacun de ses manteaux long (car oui Olive ne portait que des manteaux longs) elle y mettait un paquet de cigarettes et le briquet qui allait avec. Un Zippo qui appartenait à son père et sur lequel il avait gravé à l'arrache "Fumer tue". Dans la poche gauche elle avait toujours —toujours— ses clés. Elle s'était retrouvée enfermée dehors une fois à l'âge de douze ans et n'avait jamais voulu retenter l'expérience.
Donc à chaque fois qu'elle partait, elle vérifiait toujours ses poches —la droite puis la gauche— et lorsqu'elle rentrait elle les vidait immédiatement.Elle enlevait son manteau et s'installait sur le canapé en faux cuir de tout son long en attrapant le paquet de chips qu'elle avait laissé là le matin même.
Kali fit son entrée quelques minutes plus tard en claquant la porte tandis qu'Olive engloutissait ses chips, un podcast de Johnson Rath dans les oreilles. Cette dernière sursauta et se redressa immédiatement, enlevant ses écouteurs.
— Bon, souffla Kali énervée, je t'ai trouvé un job. Réceptionniste pour le défilé de Manolo Garcia. Cette fois t'as intérêt à assurer hein.
— Oui oui ! Et c'est qui ça Manolo Garcia ?
— Liv tu te fous de ma gueule ? C'est juste le plus grand designer de costume de ces vingt dernières années ?!
— Écoute je suis aveugle comme la société aime tant me le rappeler, je n'ai aucun intérêt à porter à la mode.
Kali souffla une nouvelle fois.
— Bref ! Toujours est-il qu'il a un quota de gens handicapés pour son défilé et que tu en feras partie. Elle laissa tomber une pochette sur la table, exaspérée. C'est la liste de tous les invités. Je n'ai pas besoin de préciser que tu dois tous les connaître de même que leur placement.
Olive ne broncha pas, elle avait déjà fait pire.
— Et où ça se passe ? Il faut que je m'habitue à l'endroit au préalable.
— Starrett Lehigh à Chelsea. Tu y vas demain pour le repérage, le défilé est dans trois jours.
— Trois jours ?! Mais tu veux que je me ridiculise ma pauvre !
Frankie se racla la gorge la rappelant à l'ordre.
— Bon je vais voir ce que je peux faire.
Ni une ni deux elle enfila son trench en attrapant au passage ses cigarettes son briquet et ses clés puis enfila le badge d'accès au bâtiment et claqua la porte.Lorsqu'elle revint de sa petit escapade, elle entendit Frankie trafiquer une voiture par dessous et les deux autres employés du garage s'occuper à leurs postes respectifs.
Ce garage appartenait au père de Frankie -Eddy-et Olive avait passé près de dix années à jouer à l'assistante. Elle était chez elle et c'est même elle qui avait fait passer les entretiens d'embauche des deux employers. Même si elle connaissait toutes les clés à boulon au touché elle ne connaissait pas assez l'anatomie des voitures pour pouvoir les réparer. Et puis honnêtement, elle détestait avoir les mains pleines d'huile, elle finissait toujours par en mettre partout.
Elle lavait les voitures ou changeait les essuie-glaces, ce qui, ils devaient l'admettre, arrangeait bien Don et Verga (les deux employers) qui pouvaient se concentrer uniquement sur réparer les voitures.Le téléphone sonna avant qu'elle n'ai eut le temps de se changer et elle entra dans le bureau pour répondre.
— Garage Vincent à l'appareil que puis-je faire pour vous ?
— Olive ? Tu es seule ? Demanda Eddy à l'autre bout du fil.
Elle ferma la porte et répondit par l'affirmative.
— Bien. Tu dois me promettre de garder ce que je vais te dire secret. Surtout n'en parle pas à Frankie, elle comptait te l'annoncer bientôt mais elle part enfin décrocher son diplôme de mécano, je ne veux pas l'embêter avec ça.
Eddy Vincent était un homme de bon cœur qui l'avait recueilli à ses quatorze ans et l'avait traité comme sa propre fille. Enfin presque. Il aimait Frankie comme la prunelle de ses yeux et il cherchait toujours à la préserver même si cette dernière avait vingt-quatre ans et n'avait définitivement pas besoin d'être préservée.
Il ne travaillait plus depuis quelques années à cause de problèmes de dos mais gérait toujours le côté administratif du garage (chose qu'il détestait secrètement).
— Eddy, qu'est ce qu'il y a ?
— C'est le propriétaire, il a presque doublé le loyer, il n'a pas voulu me donner d'explications. J'ai peur qu'on ferme avant la fin de l'année Olive.
Elle l'entendît fondre en larme de l'autre côté du fil et son cœur se serra en s'imaginant cet endroit qu'elle considérait comme sa maison, fermé.
Ses ongles s'enfonçaient dans sa paume et elle retenait ses larmes.
— On ne va pas fermer Eddy. Je vendrais un rein s'il le faut mais ce garage restera ouvert aussi longtemps que je l'aurais décidé.
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See Through
RomanceElle est aveugle, il est comptable. Elle est maligne, il vicieux. Olive Martin déteste les hommes et la haute société. Finn Foster est un expert comptable réputé. Il déteste les gens bordéliques et atypiques. Olive Martin est aveugle mais connaît Ne...