Chapitre 1 : PRÉMONITION

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Le ciel gris du mois de septembre, chargé de nuages menaçants, semblait refléter l'humeur de Christ. Christ serra son sac à dos, les sangles lui coupant légèrement les épaules. Il avait 14 ans, l'âge où les garçons découvrent les femmes, où les amis prennent une place importante et où l'on se sent un peu perdu dans les labyrinthes de la vie.

Lui, il était surtout perdu dans ses pensées, regardant le collège Blaise-Elie d'un air un peu soucieux. C'était sa dernière année au collège, mais la première en troisième. C'était aussi la première fois qu'il s'y rendait sans son père. Christ, depuis qu'il était tout petit, n'avait connu que ce dernier. Sa mère, il ne l'avait jamais rencontré, sa présence se limitant à quelques photos jaunies et de vagues histoires. Son père, un homme stoïque, l'avait élevé avec une tendresse touchante. Il l'avait bercé, l'avait nourri, l'avait accompagné dans ses premiers pas et lui avait appris à lire, à écrire et à compter. Il avait été à la fois père et mère pour Christ, une présence constante et rassurante dans un monde qui lui semblait parfois hostile. Mais ces derniers mois, un voile sombre semblait s'être abattu sur leur vie. Son père était devenu silencieux, son regard éteint, comme s'il portait un fardeau invisible sur ses épaules. La nuit, Christ entendait souvent des gémissements étouffés provenant de sa chambre. Il avait essayé de le questionner, de lui demander ce qui n'allait pas, mais son père se refermait sur lui-même, le repoussant avec un sourire forcé et une phrase évasive : "Tout va bien,mon garçon. Ne t'inquiète pas." Mais Christ ne pouvait pas oublier le regard de son père, un regard vide, comme si une partie de lui s'était éteinte.

La sonnerie du collège, ce son aigu, le tira de ses pensées. Il repensa aux mots de son père : "On est grand maintenant, fiston. Tu peux y aller tout seul." Les mots étaient simples, mais ils résonnaient comme un coup de tonnerre dans son âme. "On est grand maintenant, fiston..." Il répéta la phrase à voix basse, puis, soupira, un sentiment de vide le tenaillant. Il était grand maintenant, un jeune homme qui se tenait seul devant l'inconnu. Christ se dirigea vers l'entrée du collège, les mains crispées sur les sangles de son sac à dos. Il se sentit soudainement vulnérable, exposé, comme si le monde entier était en train de l'observer, de le juger.

Il pénétra dans le couloir bondé, le bruit des conversations et des rires le frappant comme un coup de poing. Des visages familiers le fixèrent, certains lui adressèrent un sourire amical, mais le jeune Christ ne ressentit aucune chaleur, aucun lien. Il s'arrêta devant une porte sur laquelle était inscrit "3ème A". Christ respira profondément, son cœur battant à tout rompre. Il avait franchi le seuil de son nouveau monde, un monde où il devait s'affirmer, se trouver une place, et peut-être, un jour, comprendre pourquoi son père souffrait autant.

La porte s'ouvrit, laissant passer une vague de bruits et d'odeurs. La classe se remplit rapidement, et les murmures commencèrent, mélange d'excitation et de joie.

Krystal, toujours la première, s'affala sur son siège, un soupir de contentement échappant de ses lèvres. Sa chemise à fleurs, son bronzage léger, et sa chevelure blonde, un peu plus claire qu'avant les vacances, trahissaient ses journées passées au bord de la mer.

               -    Alors, tu as fait quoi de beau pendant les vacances ? s'enquit Christ en s'installant à côté d'elle.

Krystal rougit légèrement. 

               -    Rien de bien extraordinaire, juste des journées à la plage, répondit-elle, un sourire timide éclairant son visage... Et toi ?

               -    Comme d'habitude... J'ai passé mes vacances à lire des romans, des magazines...

               -    Toujours aussi vieux jeu...

Les abysses du passéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant