— Attendre, déclara-t-elle rapidement. Nous ne savons rien, la démone du désert ne fait qu'effleurer nos côtes de son nom. Son arrivée est de mauvais présage, d'un éveil sombre qui peut ébranler nos murs. Le retournement des prêtresses affirme que leurs oreilles se penchent sur de meilleurs protecteurs, mais nous ignorons quelle entité s'y cache. Peut-être est-ce l'immortelle elle-même.
Elle marqua une pause, décroisant les bras. À ses pieds, les armoises grandir sauvagement, dépassant les frontières que leur avaient imposés le temple baigné désormais de la lumière des torches. La déesse laissa la plante s'enrouler autour de son poignet à mesure que des étincelles apparaissaient.
— L'ennemie finira par se révéler, et c'est l'unique moyen d'éveiller les immortelles aveuglées par leur place inébranlable, ajouta-t-elle avec acidité.
Un rictus se dessina, royal, confiant — comme si elle en savait davantage, chose qui m'étonna. Je l'avais sous-estimée. Diwija avait une information qui me serait occultée, mais je ne pouvais que la comprendre. J'étais Grande Korê, je ne répondais pas exclusivement à la grande déesse de ma maison — mais à toutes. À tout instant je pouvais la trahir, et celles et ceux qui lui avaient partagé entre les ombres des arbres ce qu'elle recherchait.
— Refais appel à moi si tu entends quelque chose qui nous permettrait de prendre de l'avance. Je refuse de mettre en danger les korês et la Crête, ajoutai-je d'une intonation plus ferme.
Elle me jeta à peine un regard, hochant doucement la tête. Ses cheveux s'envolèrent sous une brise, et je tournai les talons, prête à parcourir les plaines de Crête sous la compagnie de la Nuit qui m'apaisait. Sa voix grave m'arrêta pourtant, et mes pieds se plantèrent dans le sol.
— Les nuits sont devenues dangereuses, ne l'as-tu pas remarqué ? me questionna-t-elle. Les ombres elles-mêmes reviennent... Et tu rentres seule.
Ce fut à mon tour de lever le menton, plongeant mon regard serein dans le sien orageux. Un mince sourire se dessina, nullement insolent comme le sien. Ce fut pourtant l'ombre d'un voile qui passa sur mon visage à mesure que les teintes orangées finissaient de s'obscurcir.
Elle n'était pas la seule à dissimuler ses secrets.
— Je ne les fuis pas, je leur permets de me suivre... Et tu devrais faire de même.
À ces mots, ce fut à son tour d'esquisser un rictus. Dangereux, insaisissable dans la liberté des vents et des plantes. Diwija n'ignorait pas sa place, et peut-être affrontait-elle aussi le courroux qui viendrait si elle révélait pleinement sa nature.
— Je t'assure, Perséphone, que c'est la face que je vais embrasser.
***
La ville disparut derrière la colline que je venais de gravir, mon regard percevant désormais l'étendue infinie du ciel. Cette vue plongeante était des plus belles qu'il m'avait été donné de voir, et le roi de cette ville-royaume était établi sur la meilleure côte de Crête. Une vallée, un accès à la mer, un pied dans les vastes forêts rares et des oliviers. Le lieu parfait à partir duquel mener des changements sur l'île entière. Le Minos lui-même avait passé les plus nombreuses alliances de l'île, et Diwija y avait élu domicile à ses abords.
Elle serait celle à connaître la vérité en premier, mais elle ne pouvait pas être ni mes yeux ni mes oreilles. Nous n'étions que des égales, des alliées tout au plus — et j'avais mes devoirs auprès des korês. Il me serait impossible de mener à ses côtés une enquête, je ne le pouvais tout simplement pas. Ni ne le souhaitais — c'était à l'encontre de ma conscience.
VOUS LISEZ
Khtonia Empyrea 🏺 T.1 Le désir des enfers {Hadès et Persephone retelling}
Fantasy« Oubliez tout ce que vous savez sur Hadès et Perséphone » Une menace plane sur la Crête : le retour des Ombres. Pourtant, Perséphone, est la seule à ressentir les réels dangers, mais également la seule à être mise à l'écart, les korês lui dissimul...