2. L'effleurement des ombres (2/2)

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Les portes s'ouvrirent en grand, m'accueillant au sein de cet espace restreint où les visages se tournèrent vers moi. Rekasa était restée en dehors du temple, patientant pour nous et échangeant avec d'autres korês.

Mes épaules se détendirent légèrement lorsque je remarquai qu'aucune prêtresse de la cité n'était là, au risque qu'elles susurrent m'avoir vu avec Diwija. Je jetai un vaste regard à la salle aux chaises occupées par ces femmes de tout âge, de toutes les maisons de Crête, de la Grande Prêtresse du complexe nous liant aux temples mortels. Ainsi que ces jeunes femmes et une princesse de l'île, toutes mortelles.

Nulle déesse, nul membre royal, nulle korê d'une maison khtonianne. Les mots n'avaient pas encore atteint leurs oreilles, semblerait-il — et je ne sus si être soulagée. Ma langue me brûlait de ne pas exiger un conseil en urgence pour déterminer les dangers au risque de perdre l'alliance de Diwija qui en savait plus que quiconque dans cette pièce. Je devais attendre, car la déesse savait tout comme moi que les korês fermaient les yeux jusqu'à ce que le chaos ne s'abatte.

Je pris place sur le dernier siège vide au centre de ce cercle où les secondes restaient debout aux côtés de leur cheffe. Siramaritai imita ses semblables et se plaça à mes côtés. Rapidement, un jeune homme aux cheveux longs jusqu'aux cuisses s'approcha de moi et me tendit une coupe de moût que je reçus. Je souris à cette mixture que je portai à mes lèvres. La fraîcheur hydrata mon corps, mais pas autant que les raisins de Geshtinanna.

Il me tardait de la revoir, elle et son frère.

Je posai la coupe sur une petite table devant nous, aux côtés des autres et déclinai l'offre du serviteur qui me proposait des dattes. Les femmes présentes attendaient que je n'ouvre la discussion. La princesse elle-même termina de survoler l'assemblée comme il lui avait été enseigné pour imposer son autorité.

Je n'étais pas elle, je n'étais pas là pour leur intimider mon rang. Et ne fit donc rien pour l'imiter.

— La nouvelle moisson aura lieu dans quelques jours, débutai-je. Pour le prochain cycle, avez-vous quelque chose à me partager ? questionnai-je d'une voix douce malgré le regard appuyé que je sentis sur moi de la part de Siramaritai.

Elle devait le comprendre, je n'étais pas une reine, j'étais une protectrice et une guide. Ses conseils m'avaient toujours été précieux, mais ce serait le seul que je ne suivrais pas. Jamais. Elle détourna finalement les yeux et observa les visages qui n'exprimaient que de rares émotions. Quelques secondes s'étaient penchées pour murmurer à l'oreille de la maîtresse de leur maison. Malgré l'absence des korês des maisons khtoniannes, je perçus celle d'Ariadne me jeter un regard, jouant doucement avec un fil d'or. La maîtresse des labyrinthes avait donc chuchoté à ses korês, et je sentis un nouvel effleurement à mes pieds.

Je m'agrippai davantage aux bras de la chaise, laissant ce pouvoir dans mes veines se diriger jusqu'à la pointe de mes orteils pour effrayer ces visiteuses intrusives. Je n'étais pas en droit d'exercer cette magie, pas sur l'île du moins.

Le fil de la korê cessa d'être enroulé sur lui-même, et elle le posa sur ses genoux, comme ayant eu l'effet espérer. Je déglutis doucement et portai mon intention sur la plus jeune qui levait la main, patientant que je lui offre la parole. Chose que je fis.

— Les voyages s'— tannoncent paisibles, la mer prévoit une belle saison pour se rendre sur d'autres berges, me notifie-elle en jetant un regard à la maison de Posideia.

Potnia hocha la tête, ses cheveux blonds tombant le long de ses bras sans être attachés en un chignon comme la majorité des korês. Elle était bien fille de la mer.

— La prochaine saison se promet d'être calme, s'exprima-t-elle.

J'offris un mince sourire à mon amie la plus proche dont les yeux bleu azur m'assurèrent que nous en discuterions à la fin de la réunion. Ou aux moissons si elle était appelée à rejoindre les siennes après ce conseil.

— Quand est-il du nord de l'Afrique et de l'Égypte ? questionnai-je les korês des maisons visées, en particulier celles d'Isis.

Leurs peaux hâlées recouvertes de hiéroglyphes n'éveillèrent aucune magie de leurs terres ni même la présence des démons ne se fit ressentir. Ma poitrine cessa ses battements incessants sous l'appréhension. Au moins, n'étaient-elles pas non plus au courant du retour de cette entité au mauvais présage. Les menaces de Seth appelaient toute leur intention comme depuis des siècles.

— L'empyrée se porte bien, finit par répondre la maîtresse des représentantes du Kemet. Même dans le désert du sud de Canaan, les choses se sont... taries.

Ses mots avaient été pensés, je ne l'ignorais pas. Depuis quelques années déjà, les divinités se mêlaient aux Égyptiennes, Anath elle-même changeait de bord pour quitter l'empyrée mésopotamien. Peut-être finiraient-elles par créer le leur à Canaan.

Je les remerciai d'un mouvement du menton, prête à céder la parole à une autre voix. Nulle ne se prononça, mais je vis la seconde de la maison d'Ariadne s'approcher de moi et se pencher à mon oreille. Je l'invitai à s'exprimer sous le regard curieux des diverses korês qui désiraient connaître cette précieuse information, mais qui n'en sauraient rien. Elles en avaient coutume.

— Les éternels se rassemblent, me confia-t-elle. Mais rien d'alarmant, bien que nous préférions que vous soyez la seule à le savoir pour l'instant.

Elle n'eut pas besoin d'ajouter que j'étais d'une certaine forme semblable aux éternels. Une déesse de la Renaissance.

— Rassure ta déesse et tes sœurs, je ne dirai rien et te remercie pour ta sincérité. Si les éternels nécessitent notre aide et Ariadne est envoyée, ma porte est toujours ouverte tout comme notre territoire.

Elle posa sa main sur sa poitrine et se pencha en avant, me remerciant doucement. Nulle korê n'osa me demander ce qu'il avait été dit, à l'exception de Siramaritai qui s'approcha pour me chuchoter son opinion sur ce qu'elle avait entendu.

— Les éternels ne sont jamais mêlés, pas depuis longtemps..., me partagea-t-elle dans un flottement qu'elle ne combla pas.

Je fronçai les sourcils, ressentant qu'elle savait quelque chose, qu'elle connaissait pertinemment quand cela avait été la dernière fois. Je lui jetai un regard interrogateur, mais ses yeux sombres ne m'indiquèrent rien si ce ne fut qu'elle ne pourrait rien me révéler. Pour l'instant du moins. Une seconde était en droit de garder ses secrets s'ils étaient liés aux déesses-mères, et je me mordis la joue. L'obliger m'était interdit dans ces cas, et elle désigna son collier comme pour confirmer mes doutes.

Je me tournai à nouveau vers les korês et frappai trois fois dans les mains, un sourire forcé sur mes lèvres. Elles sourirent aussi, sachant que si les nouvelles n'étaient pas sombres, nous passions aux affaires administratives que la princesse de Crête connaissait tout aussi bien que nous. Le complexe de nos maisons n'était pas si différent que le palatial, au final. Nous avions la nouvelle Saison à préparer.

Les tablettes furent sorties tandis que les serviteurs se promenaient entre nous, un plateau en main. Ils nous offrirent des rafraîchissements pour que la matinée puisse produire les résultats escomptés pour les diverses cérémonies qui approchaient.

Mes épaules se détendirent à mesure que les demandes étaient formulées et que les sourires timides se dessinaient. Le mien lui-même devint sincère, et les inquiétudes restèrent au fond de ma conscience, n'y pensant plus.


Tout va bien... ou pas 😂 Que pensez vous qu'il arrive aux éternels et à Ariadne ?

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⏰ Dernière mise à jour : Sep 23 ⏰

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