Elle détourna son intention de moi pour le rapporter à cet horizon, offrant nos dos à la mer puissante et désormais lointaine. Le Temple préférait se trouver entre les territoires des divinités, permettant ainsi de toutes l'atteindre— à l'exception des khtoniannes. Il n'y avait pas une grotte aux alentours, si ce n'était une alcôve entourée d'un serpent dans un coin sombre. Mais la nature avait eu raison d'elle.
— Le fléau est de sentir cette frontière entre la vie et la mort, déclara-t-elle.
Je savais pertinemment bien à quoi elle faisait référence. Mon âme elle-même vibra tandis que mes veines souhaitaient s'ancrer dans la terre, liant ces deux réalités. Nous ressentions les mêmes murmures, les mêmes chants résonner dans notre être — et nous l'avions entendu avant tout le monde.
— C'est finalement arrivé sur nos berges, déclara Diwija après un long silence.
— Il ne fallait pas s'étonner. Les marchands amènent les prophéties d'Orient bien rapidement. Nous nous y sommes attendues, nous avions patienté. As-tu d'autres nouvelles de ton côté ?
Elle secoua la tête, croisant les bras. Une brise se leva, emplie d'électricité malgré un ciel rougeoyant et clair. Diwija éloignait les déesses des vents de ses propres pouvoirs, de cette goutte de puissance qui ne cessait de s'accroître contre tout ce que Rhéa désirait.
La déesse n'en avait cure des menaces de sa mère. Elle effectuait un acte de rébellion, et je sus que mes services devraient y répondre — y remédier. C'était mon rôle de la ramener à l'ordre, mais je préférais la laisser comme les autres déesses. Libre de tout devoir auprès des korês.
J'y avais été contrainte. Diwija ne le méritait pas. Contrairement à moi, son âme ne s'y accorderait pas. Et nous étions les seules à non comprendre, à les ressentir.
— Rien ne s'est déclaré si ce n'est cet éveil des éternels et des renaissances, mais les nuits s'annoncent sombre. Les habitants de l'île ont eux-mêmes déposé ses statues devant leurs portes.
Je me tournai brusquement vers elle, observant son visage étrangement calme. Bien que plus âgé, mon cœur était celui à accélérer dans ma poitrine, mes mains devenues moites. Mes lèvres désormais asséchées s'entrouvrirent et ma voix basse lui demanda :
— Pourquoi est-ce si rapide ?
Des statuettes devant leurs entrées, aussi nombreuses qu'elle-même les avait remarqués. C'était bien trop inquiétant, car le déplacement du marché aux foyers n'était pas censé survenir si rapidement.
— Car les prêtresses ont aussi leurs propres sources. Elles leur ont conseillé hier de prier cette déesse d'Orient. La démone du désert.
Mon corps trembla à la mention de cette immortelle dont les légendes nous parvenaient. Ses pouvoirs étaient si puissants que chaque parcelle des steppes se pliait à son passage. Elle venait des tréfonds de l'Anatolie, et son chemin au-delà de son lieu d'origine était parcouru de morts, de ruines, de cendres et d'ossements. Elle était dite fille d'une divinité khtonianne de notre empyrée.
Je posai un instant mes doigts sur ma tempe, cherchant une explication. Les prêtresses avaient donc de l'avance sur les korês. Elles avaient conseillé les différents royaumes de Crête à prendre une autre direction et prier davantage. Le monde des mortels et des immortels serait à jamais séparé, notre propre territoire éloigné des leurs malgré nos contacts et liens. Les maisons de Crête étaient celles censées diriger les croyances, pourquoi les prêtresses l'avaient-elles ordonné ?
— Il y a par conséquent un être qui leur a indiqué d'adjurer cette divinité étrangère assoiffée de sang, et trop dangereuse pour l'île, conclus-je.
— Il n'y a rien à contredire, ta question est superflue. Une divinité étrangère est sur nos terres, et j'ignore totalement qui ou quoi est derrière les murs à guider les prêtresses qui nous épient.
Elle n'était pas en tort, mais je n'avais pas le cœur d'abattre mon courroux. Mon esprit avait d'autres préoccupations.
— Il est peut-être temps d'en parler aux déesses mères ? Nous ne faisions que le sentir, personne ne nous aurait crus, tentai-je prête à mentionner cette présence nouvelle incarnée dans les statuettes.
Au loin, je devinai un grandement de tonnerre. Sa réponse m'avait été donnée, car la crainte traversa ses pupilles. Les grandes déesses l'effrayaient, plus qu'elle ne voulait l'admettre.
— Ma mère est trop occupée avec mon frère, à s'intéresser au domaine des dieux du continent. Quant à la déesse du soleil et son roi, ils protègent les peuples. Nous n'y pouvons rien. Déméter elle-même préfère le complexe des maisons qu'observer au-delà de vos frontières.
Un soupir s'échappa de mes lèvres, et je détournai le regard. La nuit serait bientôt tombée, et les korês rentraient. Mes sœurs étaient accoutumées à mes disparitions nocturnes et mon sommeil léger — mais elles commençaient à me questionner.
Je ne pourrais plus me permettre une telle escapade avant longtemps, et peut-être serait-ce trop tard. Si Diwija ne souhaitait pas partager ce que nos âmes entendaient, nous n'avions d'autres solutions que de patienter. Les mortels et leurs changements pourraient peut-être éveiller les déesses mères sur les dangers qui venaient de la mer.
Diwija n'avait pas une main forte sur les hiérarchies, méconnaissant bien des choses. Elle possédait sa propre maison et korês, mais son titre de déesse-mère n'était pas anodin, nous le savions toutes depuis son ascension.
La renaissance vivait dans ses veines, l'écartant de ses semblables.
Je n'ignorais pas les raisons pour lesquelles elle m'avait appelé. J'en connaissais davantage qu'elle, et malgré sa nouvelle place, elle ne pouvait pas s'élever seule. Diwija avait besoin d'alliées.
— Que proposes-tu ? lui demandai-je.
Elle m'avait tout de même invité, et elle ne le faisait jamais si elle n'avait pas au moins une once d'éclaircissement sur ses pas futurs.
Mais dis donc, c'est qu'elles savent des choses sans savoir quoi, mais en sachant que l'autre sait 👀
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Khtonia Empyrea 🏺 T.1 Le désir des enfers {Hadès et Persephone retelling}
Fantasía« Oubliez tout ce que vous savez sur Hadès et Perséphone » Une menace plane sur la Crête : le retour des Ombres. Pourtant, Perséphone, est la seule à ressentir les réels dangers, mais également la seule à être mise à l'écart, les korês lui dissimul...