Le silence régnait dans l'appartement du détective le plus connu de Londres, si ce n'est de l'Angleterre. John était toujours là et semblait affreusement dérangé par ce blanc pesant. L'oxygène diminuait à mesure que le son disparaissait et John étouffait. Il étouffait dans cet appartement trop petit pour accueillir ce vide pourtant si prenant. Il étouffait et il aurait fait n'importe quoi pour se sortir de cette situation. Crier, hurler, sauter, pleurer. Il était prêt à tout. Il détestait ces moments où Holmes père et fille utilisait la punition du silence. Est-ce si difficile d'avouer que le comportement de quelqu'un nous a peiné ?
- Eh bien, moi qui pensait que nos retrouvailles seraient plus réjouissantes... soupira Elizabeth en tapant ses mains l'une contre l'autre. Voilà encore une chose sur laquelle je me trompais.
John remercia silencieusement le ciel pour cette intervention. Lui-même soupira, se rendant compte qu'il avait retenu son souffle quelque temps.
- Parce que tu crois sincèrement que je saute de joie lorsque je revois quelqu'un ? questionna ironiquement Sherlock avec un certain dédain dans la voix.
John regretta immédiatement d'avoir remercié le ciel. Lui ôter un supplice pour le substituer aussitôt à un autre : voilà qui était cruel. Cette fois, le médecin soupira d'agacement.
- Je me disais que peut être pour ta fille que tu n'as pas vu depuis des mois, oui tu ferais l'effort !
Le ton était monté presque instantanément. La jeune femme s'était levée du fauteuil et avait serré les poings tout en prononçant sa phrase. John commençait déjà à regretter le silence.
- Je ne vois pas pourquoi je me réjouirais de trois mois sans signe de vie !
La voix de Sherlock avait frappé l'air de la pièce d'un coup sec. Il ne s'était pas levé de son fauteuil, avait détourné le regard vers la cheminée et serrait la mâchoire. John était sans doute de trop dans cette pièce, dans cette conversation, peut-être même dans leur vie.
Elisabeth prit un instant à réfléchir. Elle ne voulait pas être blessante et savait très bien qu'elle était en tort dans cette situation. Pour autant, elle en voulait à Sherlock de ne pas montrer plus d'enthousiasme face à son retour. C'est vrai qu'elle avait appris à déchiffrer son comportement, ses micros expressions et elle savait qu'il était heureux et surtout soulagé de la retrouver. Alors pourquoi lui en voulait-elle tellement de ne pas l'avoir montré plus explicitement ? Trois mois sans donner de nouvelles, elle s'en voulait, évidemment.- Je suis désolée, finit-elle par dire plus calmement.
Elle se laissa tomber sur le canapé, baissa le regard vers ses chaussures et joignit ses mains en croisant les doigts.
- J'ai eu besoin de partir, de prendre du temps pour moi. Je voulais partir, quitter Londres et découvrir la vie ailleurs. J'aurai dû te prévenir je le sais ...
- Tu aurais dû, en effet, répondit le détective qui lui aussi baissait le ton. Mycroft m'a informé de ton départ, je pensais être assez important à tes yeux pour que tu puisses m'en parler aussi. Il finit alors par tourner la tête et regarder la jeune femme aux cheveux bouclés.
John, qui n'était pas encore intervenu, se mit à sourire légèrement en voyant la tournure que les choses prenaient. Il avait si souvent été le témoin de leurs controverses qu'il ne se souvenait plus de la dernière fois où les choses s'étaient apaisées aussi rapidement.
Il se souvint à cet instant du jour où Sherlock avait oublié d'acheter un livre pour Elizabeth. Elle lui avait demandé maintes et maintes fois, lui avait rappelé avant qu'il ne parte faire les courses et lui avait même dit qu'elle le rembourserait. Sherlock était revenu sans courses, sans livre, sans rien. Il s'était perdu dans une nouvelle enquête et n'avait plus prêté attention à quoi que ce soit.
La jeune fille qu'elle était à cette époque avait piqué une colère noire. Elle l'avait traité d'égoïste, d'incapable et d'imbecile. Comment avait-il pu oublier le minimum de courses qu'on lui avait confié. Sherlock s'était emporté de la même manière, disant que si elle n'était pas contente elle pouvait se l'acheter toute seule, ce livre et ces courses. John avait alors quitté le salon, avait à peine eu le temps de descendre les marches qu'il avait entendu la porte claquer, puis des pas lourds et pressés monter les escaliers. Des cris se firent entendre. « Tu n'as pas intérêt à monter Sherlock ». Et à nouveau le bruit d'une porte qui claque.
Plus d'une semaine s'était alors écoulée sans qu'ils ne s'adressent la parole. Du jour au lendemain, tout était revenu à la normale lorsque Sherlock avait finalement demandé à Elizabeth de lui passer un post-it. Tout avait été effacé, le calme était revenu, comme si la tempête n'avait jamais existé. John avait toujours été surpris par cette soudaine réconciliation qui semblait sortir de nul part, puis il avait appris que les choses étaient comme ça entre eux. Ils ne s'excusaient pas, ils ne se calmaient pas lors d'une discussion, ils se contentaient de s'ignorer et de se retrouver.
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La fille du 221b Baker Street (vol. 2)
FanfictionAprès trois mois d'absence, Elizabeth Holmes - la fille adoptive du détective de renom - retourne à Baker Street. Trois mois de silence radio éloignent désormais père et fille. À Londres, plusieurs femmes sont retrouvés mortes, tout semble indiquer...