Chapitre 1

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Mars 2019,

C'était encore l'une de ces journées où il restait allongé à ne rien faire. Le regard perdu dans le vide, ses pensées vacantes, il ne bougeait pas, ou très peu. Madame Hudson, toujours aussi exaspérée de le voir ainsi, venait lui parler, ce qui avait le don de l'énerver encore plus et elle se faisait violemment rejeter. Il avait repris ses mauvaises habitudes. Les papiers qui traînaient partout par terre, les tubes à essais ici et là, les rideaux toujours fermés, les repas sautés et le sommeil oublié. Depuis qu'Elizabeth était partie, il avait tout perdu. Il avait beau dire que cela ne l'affectait pas, il mentait.

Elle était partie, oui, partie. Sherlock devait l'accepter. Il y a quelques semaines encore, ils enquêtaient sur cette affaire, "l'affaire empoisonnée". C'était bien la première fois que Sherlock approuvait l'un des titres de John, malgré la douleur qu'il éprouvait rien qu'en y pensant.

Sherlock, agacé de ne rien faire et du silence qui faisait trop de bruit autour de lui - lui rappelant qu'il était de nouveau seul dans cette maison qu'il avait partagé avec son meilleur ami et sa fille - souffla pour la centième fois et se leva d'un bon.

- Elle est partie ! S'écria-t-il levant les bras au ciel pour retomber assis sur le sol.

- Elle est toujours avec toi Sherlock, déclara Madame Hudson en posant son plateau de thé sur la petite table. Tu sais, lorsque mon mari est parti ça m'a fait très bizarre, au fond de moi il manquait quelque chose.

Sherlock leva les yeux au ciel et soupira. Il ne voulait pas entendre les vieilles histoires de sa logeuse et surtout pas celles qui parlaient de son mari, elles n'avaient rien à voir avec son histoire à lui.

- Je ne veux pas savoir Madame Hudson ! Pour la énième fois de la journée je me fous de vos histoires et de votre mari !

Ladite Madame Hudson poussa un cri, désobligée, et s'en alla tournant les talons faisant flotter sa robe.

Enfin seul, Sherlock s'allongea sur le sol se perdant dans ses pensées une dernière fois avant d'être réveillé par un bruit inconnu. Des pas sûrement. Peu importe à qui, c'était des pas. Ils étaient légers et assurés bien que les jambes de la personne à qui ils appartenaient tremblaient. Puis, quelque chose dans ces pas dérangea Sherlock, un claquement de talon. Des talons ? Oui, des talons. Des talons qui martelaient les marches des escaliers dans un rythme militaire, semblable à une noire en musique. Tac, Tac, Tac. Sherlock, toujours allongé sur le sol, respira un grand coup et expira. Puis une odeur lui parvint, Claire de la Lune. C'était une odeur douce, une odeur qui l'avait marqué. Les pas qui martelaient le sol étaient maintenant de plus en plus près et Sherlock savait que son silence serait bientôt perturbé par des paroles.

- Bonjour, Sherlock, déclara une voix derrière lui. Aucune réponse ne parvint et la femme qui venait d'entrer dans la pièce, portant une robe noire accompagnée de talon, continua. Je comprends ce que tu-

- Non, tu ne comprends pas. Pourquoi trembles-tu ? La coupa Sherlock les yeux toujours et encore fermés.

- Je ... Je ne tremble pas, j'ai juste froid.

- Tu trembles et tu mens, comme elle mentait ... Il avait dit cette phrase en ouvrant les yeux et en soupirant, attristé.

- Oui, sûrement, mais comme tout le monde sur Terre Sherlock. Elle marqua une courte pause, remit en place sa robe noir mi-longue et s'assit sur le fauteuil du détective. Un instant, elle pensa à ses mensonges, tous ses mensonges. Elle mentait, elle avait menti. Ne veux-tu pas t'habiller ? finit-elle tout de même pas dire.

- A quoi bon ? Elle n'est pas là pour le voir... Il avait dit ça d'un ton neutre, sans émotions, alors qu'il parlait d'elle, c'était bien la première fois. Il se leva et jeta un mauvais regard à la femme qui occupait son fauteuil. Elle t'aimait ?

Un léger rire échappa à la fausse blonde et elle se mit à sourire, un sourire mélancolique.

- Je ne sais pas vraiment, mais moi oui. J'espère qu'elle m'aimait, j'aurai tellement aimé.

- Elle aimait tout le monde... elle était si gentille.

- Sherlock, il faut que tu t'habilles maintenant. On va être en retard...

- Mary... Madame Watson sourit à l'entente de son prénom, il l'appelait toujours ainsi, mais cela sonnait toujours de manière très douce et attentionnée. Mary, reprit-il, j'ai peur d'y aller.

- Fais le pour elle.

Sherlock se dirigea vers la salle de bain et enfila son plus beau costume noir. Après tout, avait-il vraiment le choix ? Il était obligé d'y aller, il le savait mais il voulait à tout prix retarder le moment fatidique. Se regardant une dernière fois dans le miroir il remit ses boucles en place et ferma les yeux se remémorant chaque instant qu'il avait passé avec cette personne qu'il aimait tant. Lorsqu'il les rouvrit, ils étaient rouges de larmes. Il les essuya d'une main et retourna dans le salon.

- Je suis prêt, avait-il déclarer d'une voix triste avant que Madame Hudson ne débarque.

- Il faut y aller mes enfants, avait-elle dit dans une robe noire, le tout surmonté d'un chapeau, noir lui aussi.

Mary s'était levée tandis que Sherlock avait acquiescé d'un petit oui de la tête.

John qui était en bas dans la voiture les attendait, une main sur le volant et l'autre sur son front. Lui aussi avait pleuré, beaucoup. Il avait conduit jusqu'ici mais n'avait pas osé monter dans l'appartement, trop peureux des souvenirs et du regard de Sherlock sans doute. Mary était donc montée seule. Tous vêtus de noir ils se rendirent au cimetière, pleurer la perte de leur enfant.

Sherlock, la tête baissée, les mains dans les poches, le regard brouillé par les larmes, n'entendait plus rien, même pas les pleurs de Madame Hudson. Il aurait voulu crier toute sa douleur, il aurait aimé s'énerver, taper, briser absolument tout sur son passage et la prendre une dernière fois dans ses bras pour lui embrasser le front et lui souhaiter bonne nuit. Il aurait tout donné pour un dernier baiser sur sa joue, pour sentir l'odeur de ses cheveux, pour sentir sa présence, pour entendre son rire juste une dernière fois.

Elizabeth hantait ses pensées matin et soir. Lorsqu'il fermait les yeux, il voyait ses cheveux passer devant lui comme un drap transparent, lui rappelant qu'il ne les verrait plus jamais. Qu'avait-il fait pour mériter une telle chose ?

Sherlock reprit légèrement ses esprits en entendant la voix de son frère et en sentant sa main sur son épaule. Mycroft était venu et lui aussi, avait laissé tomber son masque d'impassibilité. Il avait l'air faible et fatigué. Il avait, lui aussi, les yeux bouffis à cause des larmes qu'il avait versé. Elizabeth avait changé tout le monde, et ils le savaient. Mycroft en pleurait. Mycroft ? Oui, il pleurait, il pleurait sa nièce qu'il aimait tant.

- Sherlock, commença-t-il, je suis désolé...

- La ferme Mycroft, répondit le bouclé la voix tremblante, les larmes aux yeux.

Le dit Mycroft souffla, prit son frère dans ses bras - chose très rare entre eux - et le cadet s'effondra. L'aîné caressa le dos de son frère pour le rassurer.

- Sherlock, tu n'es pas perdu, on est là.

- Ça ne sert à rien de dire ça... Elle, elle n'est pas là.

- Je sais, répondit Mycroft en soupirant et en se décrochant de son frère, je sais. Elizabet-

- Ne prononce pas son nom... le coupa Sherlock avant de continuer. Tu n'as pas le droit ! reprit-il d'un ton ferme. Elizabeth Holmes était ma fille...

Cela n'avait pas eu grand sens de le rappeler, tout le monde le savait déjà mais Mycroft avait compris que son frère cherchait de quoi passer ses nerfs et, à nouveau, l'homme plus âgé avait été la cible du cadet.

——

Premier chapitre, ne me tuez pas.
J'espère que la suite vous plaira, je posterai sûrement le samedi vers 18h pour les prochains.

N'hésitez pas à me faire des retours 🫶🏻

Cass

La fille du 221b Baker Street (vol. 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant