IIIII. Entrave du destin

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Ce soir, j'écris ma première lettre. Et pour ce monde, ce sera la dernière. Caroline n'est pas ma grande sœur. Enfin, ce n'est pas son prénom. Je l'avais oublié, j'étais petit lorsque je l'appelais encore Ambre. Nous vivions dans une maison relativement modeste, nous avions des tonnes de cadeaux. Nous avions un père aimant, et une mère malade. Après son décès, il nous a fichu dans ce pensionnat abominable. Les bonnes sœurs étaient des grosses putes, si je puis me permettre. De toute façon, personne ne lira ça... Tout ce que j'ai à dire, c'est que peu importe l'identité qu'ils ont donné à Ambre. Je la sauverai.

Nate Ableron ferma son carnet, et expira toute son angoisse. Caroline était blottie dans un coin du canapé, devant un film humoristique, afin de penser à autre chose que sa propre mort. Elle devait rencontrer le patron du supermarché, mais Jiggs l'en avait empêché. Il était assis avec eux, dégustant un hamburger si gras qu'il nappa sa barbe d'huile. D'autres policiers encerclaient le bâtiment. Il était impossible qu'elle se fasse assassiner.
— Nate... chuchota sa sœur.
— Ne t'en fais pas, nous sommes là. Rien ne t'arrivera.
— C'est pour toi, que je m'inquiète. Et si tu n'étais jamais revenu dans le temps ? Et si tu devenais juste fou ?
— Je sais que c'est difficile à croire, mais c'est ce qui se passe, pourtant. Un rêve ne serait pas aussi long.
— Le temps n'est qu'un facteur qu'aucun humain ne peut comprendre. répondit Jiggs. Un rêve peut être plus long que tu ne le penses. C'est drôle, non ? Le temps passe vite quand on s'amuse, et il est si lent quand on attend que l'être qu'on aime revienne...

Il essuya son œil avec sa serviette pleine de sauce, et posa sa nourriture dans la boîte. Il fixa Nate avec peine avant de surenchérir :
— Les larmes ne rendent pas un homme faible, mais le temps, si. Plus on avance, plus on perd la santé, l'espoir, plus on se rend compte que la vie, c'est bien de la merde.

— Ça va aller, Inspecteur. sourit Caroline. Vous allez la retrouver bientôt ! Nate va résoudre votre affaire. Si toutefois il ne devient pas fou.
— Si je passe les mêmes tests psychotechniques et psychologiques que Jack, on devrait me laisser en liberté. se marra-t-il.
Quelqu'un donna trois coups brefs dans la porte. Jiggs regarda sa montre, et fixa la potentielle victime. Ils n'avaient reçu aucune visite jusqu'ici de la part des policiers.
— Je vais voir.
— N'y allez pas, Inspecteur. marmonna Nate. C'est forcément lui.
— Ou elle. déclara Caroline. Et si le tueur était une femme ?
— Est-ce que... Tu as une ennemie ?
— Je disais ça au hasard. répondit sa sœur mal à l'aise.

Jiggs dégaina son pistolet, se positionna derrière la porte, et l'ouvrit d'un coup. Ce n'était personne d'autre que son collègue affamé.
— Boss, j'peux commander un truc à becter ? J'vais crever d'faim j'te jure.
— Allez-y, ceux qui veulent manger, mais restez discrets. Et surveillez continuellement cette porte.
L'agent jeta un œil à l'intérieur et aperçut les deux frangins sur le canapé. Il baissa le ton et enchaîna :
— Vous pensez vraiment que quelqu'un va venir ?
— Faites votre boulot. lui ordonna Jiggs en fermant la porte.

Les heures défilèrent comme les étoiles. Nate se remémorait constamment ce jour, où il avait fait son premier vœu. Malgré tout ce en quoi il ne croyait pas, cette étoile avait fait son bonheur. Le lendemain, au petit matin, le portail du pensionnat était ouvert. Les bonnes sœurs ne l'oubliaient pourtant jamais. C'était sans doute à cause de la plus jeune, une rebelle qui ne faisait que boire et fumer, un vice pour leur établissement. Peut-être que ce n'était qu'un coup de chance.

Il avait fui, sans prévenir personne. Il put se trouver une famille aimante pour le cacher et l'élever dans de plus calmes conditions, mais surtout... Il put réaliser son souhait. Il put revoir son père une dernière fois. Il y avait cette pièce remplie de caisses et de cartons. Trois hommes discutaient au centre, dont son paternel qu'il observait depuis un miroir. Son visage était caché par un masque buccal, il ne pouvait pas essayer de se souvenir de lui. Il n'avait à disposition que sa main droite. Ce papillon.
— Hé. C'est pas ton gamin, ça ?
L'homme se tourna, et Nate s'en alla en courant. Il put tout de même entendre sa dernière phrase :
— Bon sang, il a tout foutu en l'air.

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