Butterfly Club

III. Extension du passé

Nate Ableron et Caroline Amyia. Liés par le sang, liés par un père absent. Ils pouvaient encore sentir l'odeur de ses cigarettes, jamais consumées entièrement. Le bruit de ses quintes de toux, la nuit, les rassurant dans la pénombre de leur chambre. Comme si tout ne datait que d'hier.
— Caroline, il nous a abandonnés. Pourquoi veux-tu le revoir ?
— Il nous aimait, je le sais. Il avait forcément une bonne raison de nous laisser tomber ! Je veux juste comprendre... Je veux lui demander.
— C'est stupide, je désapprouve ! J'insiste, tu ne verras pas ce type ce soir. râla Nate. Tu vas rester avec moi durant mon enquête. Tu seras mon assistante.
— Et puis quoi, encore ? Tu n'as aucun droit sur moi, tu ne peux pas me priver de ma liberté, et encore moins de retrouver notre père !

En rogne, elle s'en alla en claquant la porte. Il se leva, puis cessa sa poursuite après trois pas. Elle avait raison, il n'avait pas le pouvoir sur sa soeur. Tout ce qu'il devait faire, c'était empêcher sa mort, pas l'empêcher de vivre.

C'était le moment de faire le point sur ce qu'il savait. Le détective ouvrit son carnet, et y consigna tout ce qu'il devait retenir en priorité. Le patron du supermarché était lié à leur père, et à la mort de Caroline. L'horloger assurait que le voyage temporel était sans doute impossible. Jack et les habitants d'ici pouvaient voir ces étranges papillons. Il y avait cette porte, également. Celle qu'il ne pouvait ouvrir qu'avec l'autorisation d'Amélia. Son objectif premier, c'était de la piéger, et de prouver qu'elle essayait d'étouffer l'affaire. Pour cela, il devait retourner au village, et cette fois-ci, de jour.

Il y avait quelques policiers autour, mais il devait s'y rendre discrètement, sans Jiggs. Dans les buissons, il rampait, se couvrant de boue. Il contourna les premières bâtisses et se retrouva hors des limites d'enquêtes. Là, il était en territoire inconnu, mais surtout illégal.

Il y avait ce fameux hangar qu'il avait remarqué l'autre fois. Il devait impérativement s'y rendre. Le problème qu'il rencontra bien vite, c'était la présence de trois types dans une tenue similaire à la sienne. Pas des policiers, en d'autres termes.

Le détective tenta d'éviter tout contact et chercha à rester silencieux. La moindre feuille morte cassant sous sa semelle craquerait dans un écho si fort qu'il briserait le monde. Ça, c'était dans sa tête débordant d'imagination, bien qu'il ne se soit pas totalement trompé. Il marcha accidentellement sur un tas de feuilles et alerta ces individus plus suspects que lui.
— Hé, vous, là, qu'est-ce que vous faites ? s'écria le plus voluptueux d'eux. Vous ne devriez pas être ici.
— C'est plutôt à moi de vous le dire. se défendit Nate. À moins que vous ne soyez des fermiers disparus ?
— Pas du tout ! Marvin de l'agence Fauchage. Voici Kevin et Melvin.
— Que des noms bien chiants, soupira Nate. Mais attendez... Qui vous a embauché ?
— Nous n'avons pas le droit de le dire. lança Kevin.
— C'est bon, je sais, c'est Amélia. conclut le détective du Butterfly Club. Qu'est-ce que vous cherchez, au juste ?
— Tu ne t'es pas présenté, toi. l'interrompit Marvin. Pourquoi tu poses autant de question ?
— Nate Ableron, dé...

Il s'arrêta avant d'en dire trop. Il eut une merveilleuse idée, à cet instant. Ces sbires idiots de la responsable d'enquête pouvaient le mener jusqu'à elle.
— Je suis un survivant du village. mentit-il.
— Je ne te crois pas. ronchonna le chef du trio.
Le plan tomba à l'eau dans la seconde. Pour autant, rien n'était perdu.
— Qu'eet-ce qui vous fait dire ça ?
— Nous avons retrouvé une preuve cruciale dans la chambre d'un adolescent. Du sperme de fantôme. C'est évident, il se masturbait pour découvrir les joies de la puberté ! Ce qui signifie que les habitants d'ici sont des fantômes !
— Et vous êtes payé pour dire autant de merde ? releva Nate.
— Je ne te permets pas, inconnu ! cria Melvin.
— Je vous le dit, je suis un survivant. Il s'est passé quelque chose dont je ne parlerai pas ici. Amenez-moi à elle.