Chapitre dix

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3 ans plus tôt

Et puis d'un coup, plus rien. Comme si mon corps avait lui-même décidé de tirer l'alarme d'urgence, laissant seulement place à mes larmes silencieuses, un torrent d'eau salée étrangement calme. Après tout, j'avais l'habitude. Même si on ne s'habitue jamais à être dégradée d'une telle sorte. Ses vilaines mains ancrées dans ma chair me procurent une douleur insurmontable. Il s'accroche à ma peau comme si j'allais m'enfuir à chaque seconde. Ce que je ferais sûrement s'il ne me terrorisait pas tant. Son regard affamé et conquis admire ma souffrance. Le pire, c'est qu'il aimait réellement ça. Me voir souffrir.
Avant de tourner de l'œil, je crois entendre cette fameuse phrase qu'il hurle habituellement lorsqu'il m'arrache le peu d'amour propre qu'il me restait

— T'es à moi putain, tu ne m'échapperas jamais.

Finalement, il avait tord.
J'ai réussi. Je suis partie.
Max est — enfin, était — mon ex, et mon premier amour. Nous nous sommes rencontrés au lycée, au début nous n'étions que de simples amis, jusqu'au jour où il a décidé de me faire part de ses sentiments qui, évidemment, étaient réciproques. Tout se passait bien, au début. Lorsque je me suis rendue compte du monstre qu'il était réellement, il était bien trop tard. J'avais déjà signé mon pacte avec le diable. S'en sont suivis des mois de violences, physiques autant que psychologiques. Il mentait, frappait, criait, et je vous passe certains détails. J'ai rompu pour mes études, je me suis arrangée pour lui faire croire que je déménageais en Europe, dans une prestigieuse école de psychologie en Suisse, après ça, j'ai pris le premier billet d'avion en direction de la Suisse pour que mon mensonge paraisse crédible. Il a voulu me suivre, mais j'ai couvert toutes mes traces, il était impossible pour lui de me retrouver, faux passeport, plus de téléphone, rien. Disparue des radars.
Il est mort quelques temps après mon départ, d'une overdose. Je suis rentrée à Denver dès que j'ai appris la nouvelle. Je savais que je comptais pour lui. Je n'irai pas jusqu'à dire qu'il m'aimait, car ces gens là n'aiment pas, ils obsèdent, et en deviennent inhumains. Mais il était le seul à s'octroyer le droit de me frapper. Personne d'autre n'y avait droit. Finalement, c'était de lui même dont il aurait dû me protéger.

...

Je me réveille difficilement, la lumière du jour brûlant mes yeux. Je ne crois pas avoir fait de crise cette nuit, pourtant, mon coeur bat à la chamade comme tous les matins. Le visage de Max dans ma boîte crânienne refuse de me laisser tranquille. La porte de ma chambre est grande ouverte. Il me semblait pourtant l'avoir claquée à la gueule de l'autre con hier soir. Je scrute attentivement ma chambre jusqu'à ce qu'une ombre se dessine près de la baie vitrée à droite de mon lit, à l'opposé de la porte.

— Bien dormi, amore ?
Sa voix me réveilla instantanément, prise de panique je tire la couette afin de cacher l'entièreté de mon corps de sa vue.

— T'es un putain de psychopathe Gianni ! Hurlais-je en lui balançant désespérément le coussin sur lequel ma tête était posée quelques secondes auparavant. Il prend tout de même la peine de ramasser le-dit coussin, avant de me le renvoyer, il respire l'odeur de l'objet comme si sa vie en dépendait. Glauque.

— Tu portes bien ton prénom, depuis que tu es entrée dans cette maison, une étrange odeur de rose y règne.

Ce commentaire ne me déplait pas. Même si je déteste ma mère, j'avoue que je suis particulièrement fière du prénom qu'elle m'a trouvé. Il me correspond plus que je ne voulais le croire.

— Je peux savoir ce que tu fout dans ma chambre à me regarder dormir ?

— Je venais te réveiller, souffle-t-il. Mais tu es si douce quand tu dors, je n'ai pu m'empêcher de te contempler quelques minutes, dit-il arborant un sourire que je n'avais encore jamais pu voir. Un vrai sourire. Et je te rappelle que c'est ma maison, et donc ma chambre. Si je veux te rendre visite au beau milieu de la nuit, j'en ai le droit.

Succession [ EN COURS ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant