Killer #9

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"Ouais, ouais…" S'échappa d'un souffle que j'aurais dû garder afin d'avancer convenablement.

Je me forçai à regarder face à moi, rangeant mes mains dans les poches de mon gilet tout en serrant l'intérieur de celles-ci, m'exécutant docilement. J'avais beau avoir le regard dirigé vers l'avant, je ne voyais pas. Enfin, si mais… Mon cerveau n'enregistrait pas ce qui était face à moi, laissant les alentours demeurés des tâches flous colorées que je ne pouvais pas identifier. Ce fut sans étonnement, le souffle lourd et les pas chancelant, que je m'arrêtai dans ce qui était normalement le couloir séparant les vestiaires du gymnase. J'ai l'impression que je vais… Un bruit strident éphémère envahis mes tympans.

Heureusement que le mur était là pour empêcher ma chute. Le vacarme était assourdissant. Une main sur l'oreille et l'autre sur la tête, je supportai l'écho lointain du bruit qui s'était éteint alors qu'il se mélangeait aux bruits d'ambiance. Qu'avaient-ils tous à se dire ? Qu'est-ce que ma tête me lançait… Ils n'aidaient pas, ils font trop de bruit. Qu'ils ferment tous leur gueule, qu'ils… qu'ils se taisent, je vous en prie. J'ouvris avec peine mes yeux. Ils s'étaient arrêtés. Pour me regarder ? Ils me regardaient tous, moi. J'étais celui qu'ils fixaient, la raison de leurs messes basses incessantes.

Pourquoi devaient-ils tous me fixer de la sorte ? Qu'ils passent leur chemin, qu'ils s'en aillent. Bon sang ! J'avais envie de crier, de leur sauter dessus. Qu'ils disparaissent. Pourquoi me regardent-ils ? Pourquoi moi ? Pourquoi ? Avancez, taisez-vous !!

Mais j'avais beau y penser aussi fort que je le voulais, rien ne sortait de ma bouche. Même les yeux fermés, je sentais leurs regards pesés sur moi. Tout ce qui demeurait était la douleur lourde, assourdissante qui n'hésitait pas à se mêler à leurs regards et paroles envahissantes. Je me recroquevillai légèrement sur moi-même en espérant diminuer l'impact de leurs regards insistants et indiscrets, mais il n'en fut rien.

Je les hais, je les hais tous. Qu'ils disparaissent. Je ne veux plus jamais les voir, plus jamais les entendre. Si seulement je pouvais partir, loin de là même si ça signifiait me retrouver seul dans la même situation, mais dans la rue où personne ne me fixerait. Mais les choses seraient plus simples si ses connards s'en allaient. Qu'ils partent loin, que je ne les revois jamais. J'avais une soudaine envie de crier, de crever les yeux du premier qui s'approchera. Je les hais du plus profond de mon cœur, je les hais au point de vouloir tous les tuer. Pourquoi me faisaient-ils subir autant de mal ?

Je les hais tellement… Tellement que je ne saurais dire si les larmes qui se logeaient dans le coin de mes yeux étaient causées par la douleur ou par ce sentiment intense qui remplissait mon cœur alors qu'il encaissait silencieusement la douleur.

Je les hais ! Je les hais ! Je les hais ! Je les hais ! Je les hais ! Je les hais ! Je les hais ! Je les hais ! Je les hais ! Je les hais ! Je les hais ! Je les hais ! Je les hais ! Je les hais ! Je les- !

J'ouvris les yeux lorsque je sentis au contact de mes lèvres du froid. Mais pas froid comme un courant d'air ou un glaçon… Froid comme… Du métal ?

Je me concentrai comme je le pouvais, dirigeant mon regard vers mes lèvres entrouvertes. Je remarquai au passage que quelqu'un avait relevé mon menton avec sa main. Les larmes arrêtèrent leur course dans le coin dans lequel elles s'étaient auparavant logées. Perdu et confus, je fis abstraction de la douleur pour trouver l'hôte de cette main. Après une première gorgée d'eau, je trouvais là où il se tenait. Après une seconde, j'identifiai qui il était.

"Quand j'appelle ton nom la prochaine fois, réponds Killer." Il se trouvait à mes côtés, m'emprisonnant entre lui et le mur tout en me cachant soigneusement des regards indiscrets.

Nightmare était l'hôte de cette main et me donnait à boire. De l'eau, je pense bien, mais était-ce sa gourde qui frôlait mes lèvres… Nightmare qui me donnait à boire, chose que je ne pensais jamais vivre un jour. À boire… Depuis…

JE BUVAIS DANS SA GOURDE !?

"Killer, ..." Chuchota Nightmare à mon oreille afin d'attirer mon attention sur lui. Affolé, je regardai son œil tandis qu'il penchait un peu plus le récipient m'octroyant donc une autre gorgée. "La prochaine fois si t'es au bout de ta putain de vie, te force pas si c'est pour te donner en spectacle comme ça." Je n'entendais plus aucun bruit dépassant, ma tête se sentait soudainement plus légère et seul sa voix et sa stature penchée vers moi me parvenaient. "Tu voudrais pas attirer l'attention sur nous, hein Killer ?"

Je mis ma main sur son bras puisqu'il était en train de me noyer. Pour la première fois depuis que j'avais remarqué sa présence, il me regarda moi et non pas par-dessus son épaule comme il le faisait depuis le début. J'avalai avec difficulté ma dernière gorgée d'eau avant de toussoter tout en me penchant. En essayant tant bien que mal de calmer ma toux, je rouvris les yeux et croisai son iris bleu minuit. Et encore une fois, notre contact visuel se prolongea mais de manière sereine, ressentant un tout autre sentiment que celui qui m'avait envahi au même moment lors du cours qui venait de passer. Je me questionnais sur l'embarras que j'avais pu ressentir plus tôt dans la journée lorsque le même événement s'était montré.

Sans dire un mot de plus, il se retourna alors que mon étouffement était passé depuis plusieurs secondes. C'était Nightmare qui avait détourné le regard en premier. J'en avais presque oublié mon environnement. Je devais encore aller me changer. Je passai ma langue sur mes lèvres et les pinçai, me dirigeant vers les vestiaires à mon tour. Sa présence était telle que tout ce qui demeurait à ce moment-là et bien ne demeurait plus. C'est comme si la lumière du crépuscule, et non pas de l'aube au vu des tons grisonnants du lycée, l'avait entouré dès qu'il avait agi pour m'abreuver et puis plus aucun bruit, plus aucune personne, plus aucune douleur n'était présent.

Je ressortis du vestiaire sans que j'eusse le temps de me rendre compte que j'étais ne serait-ce que rentré et changé. Je mordillai la peau sèche sur mes lèvres, une tentative peut-être vaine de l'arracher avec mes dents. Je marchai livide, suivant mon itinéraire habituel afin d'échapper à cet asile qui était censé assuré mon éducation.

Je relevai les yeux, attiré par des couleurs pétantes un peu plus hautes qu'à hauteur des yeux. Il discutait, le visage ferme. Dès qu'il me vit apparaître, il semblait prêt à sauter ce qui donnait l'impression que ce gentil bonhomme était sur le point de m'attaquer.

"Salut Killer ! Comment tu vaaaas…" La voix de son compagnon s'éteignit progressivement en assistant au spectacle sous ses yeux.

"Tu viens là. Tout de suite." Ordonna celui qui me tirait par l'oreille, ne me laissant pas d'autres choix que d'obéir.

"Ravi de te revoir aussi, Color. Même si Outer est de meilleure compagnie que toi…" Nous nous éloignâmes à la vitesse de la lumière, mon tortionnaire s'arrêta dans un couloir moins occupé.

"Tu devrais éviter de lui dire ce genre de choses quand il est énervé, tu sais très bien de quoi il est capable." Répondit Outer, balançant la tête en signe de désapprobation.

"Oh oui que je le sais très bien, c'est pour ça que je l'ai dit." Suite à ma réponse narquoise, j'arrangeai comme je le pouvais mes cheveux en bataille. Mes doigts frôlant ma lèvre inférieure, je demandai d'un air penseur. "Dis, tu penses que ça passe ? Mes cheveux, je veux dire. Pas ma gueule, j'ai pas encore assez pour de la chirurgie esthétique." Je lui avais arraché avec victoire un sourire en coin.

"Ouais, ça passe même si bon… c'est sûr que tu feras pas mannequin comme ça." M'envoya comme pique Color avant de s'efforcer à reprendre son sérieux. "Bref. C'est sérieux là, Killer. Il faut qu'on parle."

Interfectivus amor Où les histoires vivent. Découvrez maintenant