Chapitre six

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Dalil se leva en découvrant des muscles dont il ignorait l'existence. Après cinq ans à grimper le long des immeubles et des monuments, il pensait pourtant avoir fait le tour. Et dire qu'il s'était vanté auprès de Thibault, qu'il avait exhibé son physique avantageux, tout ça pour se retrouver à ramper pour s'extirper de son lit. D'accord, il rampait toujours pour sortir, le plafond du van ne lui offrant pas une grande liberté de mouvement.

Une nouvelle semaine de travail commençait et la boulangerie était fermée ce matin. Thibault devait dormir et s'il n'avait pas merdé hier, Dalil aurait peut-être eu la chance de l'avoir, là, à ses côtés. Il avait fui, tout comme il avait fui Ryan et Juliette. Il attrapa son portable. Elle l'avait appelé deux fois la semaine dernière en laissant des messages pour prendre de ses nouvelles. Il envoya un SMS.

Dalil : Bonjour, vous êtes sur la messagerie de Dalil, Je suis bien dans un trou du cul, mais dans celui du monde. Si vous souhaitez me contacter, optez pour les signaux de fumée, merci. PS Tout va bien, les autochtones sont bizarres, mais très gentils et avenants.

Il vit le nom de Juliette s'afficher sur son écran. Merde, elle devait être de nuit ! Il décrocha, l'angoisse lui broyant les tripes.

« Et tu m'expliques comment tu arrives à envoyer des SMS ? commença-t-elle.

– Bonjour, vous êtes bien sur le répondeur...

– Oh, pitié, Lil, c'est même pas drôle !

– Même l'histoire du trou du cul ?

– Ok, peut-être un peu. »

Il l'entendit rire et il se rendit compte que s'il avait repoussé Ryan de ses pensées, il en avait fait tout autant avec Juliette. Il n'y arrivait pas, la culpabilité ressemblait à un éboulement de roches énormes. Et il était dessous, à l'attendre sans bouger.

« Alors, comment ça se passe, ton boulot ? demanda Juliette.

– Comme d'habitude, je m'accroche, je grimpe, je répare, je renforce, répondit-il d'une voix légère. »

Il mit le haut-parleur et attrapa son petit réchaud pour préparer son petit déjeuner.

« Tu as l'air bien guilleret à ce propos.

– À propos du boulot, non, mais l'endroit est magnifique. C'est encore super vert, et devine quoi, je me suis tellement pelé cette nuit que j'ai sorti mon duvet.

– Va te faire voir, espèce de tocard ! rugit Juliette. Ici, c'est impossible de dormir en journée tellement il fait chaud, je suis crevée.

– Mon duvet est super grand, nargua Dalil. »

Il se sentit retomber dans l'habitude et un sourire s'élargit sur ses lèvres. Leurs cerveaux opérèrent de la même façon, parce que Juliette poursuivit :

« D'accord, tu me trouves dedans ce soir ! Et je m'en fiche s'il y a un mec, je le vire ! »

Dalil pensa à son boulanger tout plein d'innocence. Le ramener dans son lit sonnait comme une erreur, et il en avait trop fait ces derniers temps. Il n'avait jamais fait dans l'abstinence, et il avait besoin d'un gars qui savait exactement ce qu'il faisait, pas d'un jeune homme inexpérimenté.

« Pour l'instant, il n'y a personne, mais je ne trainerais pas si j'étais toi. »

Juliette éclata de rire.

« J'adorerai, mais j'ai pas de jours de congés cet été. Hé, tu te rappelles quand je t'ai rejoint il y a deux ans.

– Un peu que je m'en rappelle. Tu as passé tes journées à lézarder à côté de la piscine du camping et tu voulais en plus me faire sortir tous les soirs !

Laisser se poser les papillonsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant