Chapitre cinq

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À treize heures, il n'y avait personne dans la rue. Et pas plus de monde à treize heures cinq. Thibault allait rentrer chez lui, le cœur froissé, quand il vit un vieux van blanc se garer sur la petite place en contrebas. La portière s'ouvrit et Dalil sauta à terre. Et la première chose qu'il fit, c'est de lever les yeux vers lui et de sourire.

Dalil se réjouit de voir Thibault complètement figé, puis s'en inquiéta tout de suite après. Il s'était amusé à draguer le jeune homme, comme il le faisait très souvent. Après tout, il aimait plaire, il adorait qu'on le déshabille du regard. Et les yeux de Thibault l'avaient mis à nu, avec timidité, mais ils l'avaient fait. Il trouvait dans ce regard ce qu'il n'avait pas eu dans celui de Ryan, une envie flagrante, belle dans son désir sans équivoque et pas voilée par la honte et le déni.

Il sentit ce petit mouvement dans son entrejambe à la vision de Thibault. Dalil n'avait jamais exprimé de préférence claire sur son genre d'homme, mais au fil des ans, il avait constaté qu'il aimait les gars élancés, aux muscles moins proéminents que les siens. Il devait se l'avouer, il adorait cette petite supériorité physique que lui conférait sa grande taille et ses muscles. Il aimait plaquer ses partenaires sur le lit et leur faire l'amour, tout en contrôle. Et le fait que son boulanger réagisse de manière aussi transparente à tous ses gestes le fit frissonner d'envie. Il avait envie d'emplir les yeux verts de confusion et de fièvre, mais il se heurta soudain à un visage dépourvu d'émotions. Pendant quelques infimes secondes, il eut un visage fermé face à lui, puis l'instant d'après, un sourire fendit le visage de Thibault comme une réponse automatique au sien.

« Hé ! fit Dalil.

– T'es en retard !

– J'ai fait la grasse mat moi aussi. Bien, mais un peu solitaire. Et la tienne ?

– Pas assez solitaire. Oz m'a empêché de dormir.

– Oz ? Le magicien ou le loup-garou ? »

Thibault sentit son sourire s'accentuer devant l'air amusé de Dalil.

« Oz le chat, expliqua-t-il.

– Et il est con ou gentil, celui-là ? »

Thibault éclata de rire.

« Il est surtout pénible. Je lui laisse le fenestron de la cave ouvert, mais monsieur préfère me réveiller pour passer par la grande porte. Tu te déplaces avec ta maison ? demanda-t-il en désignant le van dont la fenêtre sur le côté s'ornait d'un store à moitié déroulé.

– Ouais, c'est pratique pour le boulot.

– Tu es ici pour travailler ?

– Oui, là-bas, dans les gorges, je suis cordiste. »

Il se détourna et pointa les falaises qui découpaient le paysage. Les yeux de Thibault ne purent s'empêcher de descendre le long du dos musclé jusqu'aux fesses ceintes d'un bermuda trop large. Puis il releva vite le regard quand Dalil revint vers lui.

« Je me suis toujours demandé comment ça se passait les travaux de sécurisation.

– Eh bien, c'est moi et d'autres gars suspendus à une vingtaine de mètres au-dessus du sol pour poser des grillages et des barrières.

– Les roches sont tombées plusieurs fois ces dernières années, fit remarquer Thibault.

– J'ai vu ça, oui. »

À certains endroits, Dalil avait noté la pierre mise à nu, presque découpée, même si la végétation avait vite fait de reprendre ses droits, elle apparaissait moins touffue.

Laisser se poser les papillonsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant