IV. Métronome

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The art teacher - Franz Gordon

Angel - Massive Attack 

Bonne lecture

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— Je veux tout sur ces gens. Fouillez chaque recoin de leurs vies, décortiquez leurs moindres mouvements. Leurs appels, leurs messages, leurs mails... Réseaux sociaux, relevés bancaires, je veux connaître l'heure de leurs brossages de dents et l'heure de leurs pauses pipi. Rien ne doit nous échapper, c'est clair ?

Le lieutenant Lefort s'avança, le visage fermé, son regard dur trahissant une détermination inébranlable.

L'interrogatoire reprend maintenant, articula-t-il d'une voix basse mais d'une autorité glaciale. Morel, tu viens avec moi.

Sans un mot, Lucie Morel se leva avec une précision presque militaire, répondant à l'appel de son supérieur par une obéissance silencieuse. Elle lui emboîta le pas, ses chaussures résonnant dans les interminables couloirs du commissariat, dont l'atmosphère pesante semblait aspirer toute lumière.

La salle d'interrogatoire les accueillit dans son austérité clinique, froide comme un tombeau. Les murs, d'un gris anthracite, étouffaient l'espace, accentuant encore le teint livide des suspects qui s'y succédaient, avalés par le flot incessant des affaires criminelles. Un unique néon, clignotant par intermittence, distillait une lumière blafarde et cruelle, jetant des ombres angoissantes dans chaque recoin.

Au centre de la pièce trônait une table en métal, impersonnelle, flanquée de deux chaises rigides, disposées face à face dans une configuration implacable, comme un duel silencieux. Chaque élément de la pièce avait été pensé pour briser les volontés, pour pousser à bout les plus endurcis. Le silence, lourd, pesant, s'étirait dans l'air, un silence si parfait qu'il semblait avoir été sculpté par les plus fins psychologues.

Seuls le léger tremblement nerveux de la jambe du suspect, secoué par une angoisse palpable, et le grésillement mécanique du néon, troublaient l'immobilité spectrale de la salle. Le suspect, prostré, les yeux rivés sur un point fixe, refusait de lever le regard à l'entrée des enquêteurs. Son attention restait obstinément ancrée sur une imperfection dans le métal de la table, une éraflure – vestige muet d'un autre interrogatoire, peut-être, où la tension aurait basculé dans la violence.

Le lieutenant Julien Lefort prit la parole en premier, le ton glacial :

— Nous aurons le mandat de perquisition dans la journée, ce n'est plus qu'une question de temps. Il est encore temps de parler.

Silence, jambe tremblante, grésillement du néon pour seule réponse.

Soudain, un bruit sec, brutal, déchira l'immobilité.

Les poings de Lefort s'écrasèrent avec une violence sourde sur la surface glaciale de la table en métal. Le choc résonna, vibrante onde sonore qui sembla suspendre le temps. Mais à peine l'écho s'était-il éteint que le silence, encore plus lourd, retomba comme un voile funèbre sur la pièce.

D'un geste vif, presque rageur, Lefort projeta un dossier sur la table. Les feuilles glissèrent et s'éparpillèrent devant le suspect, dévoilant une série de photos macabres, empreintes d'une violence insoutenable. Des images morbides, crues, déchirantes, chaque détail hurlant la brutalité des actes qui y étaient dépeints.

Le cadavre semblait presque réel, tangible, dans la froideur des clichés ainsi exposés.

C'était une technique bien connue : confronter le suspect à l'horreur de ses crimes supposés, l'acculer par la force implacable de la culpabilité, espérant briser ses dernières défenses.

Dissonance ObsédanteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant