IX. Allegro

174 8 176
                                    

Désolée pour le retaaard

Bonne lecture !

***

— C'est... vraiment... une bande... chaque mot fut ponctué d'un coup, plus brutal que le précédent, de connards... sans... putain... de cohérence.

Le dernier coup de poing que Victoria asséna aux pattes d'ours de son entraîneur fut bien plus puissant qu'elle ne l'avait anticipé, comme s'il ponctuait la fin de sa phrase du point final qu'elle méritait. Aymeric, légèrement déséquilibré, recula d'un pas en abaissant ses bras, visiblement agacé.

— Hé, calme-toi un peu ! Si tu veux te défouler, va cogner dans le sac de frappe, pas sur moi. Je ne suis pas ton punching-ball ! lança-t-il avec un regard perçant, tandis qu'il secouait ses poignets pour dissiper l'impact de ses coups.

Victoria, haletante, passa son avant-bras sur son front trempé de sueur, repoussant quelques mèches brunes collées à sa peau. Son souffle court témoignait de l'effort autant que de la frustration qui la rongeait. Elle tentait, par ses coups, de remettre de l'ordre dans la tempête qui grondait dans son esprit.

— Désolée, Aymeric, mais c'est vraiment le bordel, grogna-t-elle, les yeux encore brillants de rage, le visage rougi par l'effort.

Le coach haussa un sourcil, soupira, et après une brève pause, se remit en position, calme, impassible, comme un maître zen face à son élève déchaîné. La jambe gauche légèrement fléchie, la droite tendue derrière, les poings levés à hauteur de son visage, il attendait, toujours professionnel.

— Tes coups manquent de précision. T'as perdu en tonicité. Ça doit venir...

— ... de la sangle abdominale, pas des bras, oui, je sais, marmonna Victoria d'un ton las, ayant entendu cette leçon un nombre incalculable de fois depuis ses débuts.

Le sarcasme mordant dans son ton trahissait son épuisement autant que son agacement. Elle pouvait réciter les conseils d'Aymeric comme un poème appris par cœur. Mais ce n'était pas un problème de technique. C'était bien plus viscéral. Elle ne se battait pas contre des pattes d'ours ou un sac de frappe, mais contre la montagne de frustrations accumulées dans les rouages absurdes de ce foutu Parlement.

Elle leva ses poings, emprisonnés dans ses gants noirs fétiches, ornés d'un discret logo Adidas violet. Un modèle qu'elle avait presque supplié Hélène de lui offrir, en dépit des réserves notoires de cette dernière. Hélène, pour qui la boxe n'était rien d'autre qu'un « sport barbare, brutal et surtout so boring », s'était montrée à peine réceptive à l'engouement de Victoria pour cette discipline. Le seul prétexte qui l'avait poussée à accepter de lui offrir non seulement les gants, mais aussi la tenue complète assortie, résidait dans l'espoir fantasque que Victoria séduirait son coach dans cet accoutrement.

Ridicule, un pur délire hélénien, pensé à coup sûr après quelques verres de trop. D'autant plus que ce fameux coach, Aymeric, était aussi hétéro que pouvait l'être une manifestation de gay Pride.

Victoria réajusta sa brassière d'un geste agacé, ses poignets se débattant avec une gêne persistante, avant de se remettre en position. Elle décocha un premier coup, celui qui devrait être aussi libérateur qu'une promesse non tenue. Puis un second. Mais Aymeric, cette véritable muraille de muscles, demeura impassible. Son bras ne trembla même pas.

Les coups se succédaient, mais chacun était plus décevant que le précédent. Droite, droite, gauche... mince, non, c'était encore droite, puis gauche à nouveau, droite, gauche, pour l'amour de Dieu, encore droite ! Faible, affreusement faible. Elle avait l'impression de frapper avec des nuages de coton au lieu de poings. La frustration s'immisçait en elle comme un acteur raté sur scène, ridiculisant son incapacité à passer à l'action. Chaque coup manqué lui renvoyait un écho moqueur, le public de son esprit riant de sa performance médiocre. Merde putain encore loupé.

Dissonance ObsédanteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant