VI. Concerto

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Bonne lecture :)

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En pénétrant l'immense porte de France Info, Victoria se retrouva dans un vaste hall d'accueil moderne, sécurisé, et équipé des dernières technologies. Une hôtesse l'accueillit avec un sourire professionnel et lui indiqua l'étage où on l'attendait. Elle franchit un tourniquet de sécurité avant de se diriger vers le premier ascenseur. Quand les portes de celui-ci s'ouvrirent, elle s'y engouffra et laissa la porte se refermer derrière elle.

Le neuvième étage s'ouvrait sur un long couloir, une galerie vitrée où chaque pas résonnait comme une intrusion. Elle avait toujours éprouvé une certaine appréhension à traverser ces espaces infinis, où chacun pouvait scruter ses moindres mouvements. Cependant, rassemblant tout son courage, elle s'engagea dans cette traversée, le bruit de ses talons claquant sur le sol, tel un tambour martial, renforçant sa détermination.

Le tac-tac régulier de ses talons sur le sol et la subtile brillance de ce gloss, délicatement posé sur ses lèvres pulpeuses, constituaient autant de détails subtils, mais ô combien efficaces, pour affermir sa confiance en elle.

Après une quête interminable, elle découvrit enfin la porte qui lui était destinée, une simple feuille A4 indiquant son nom. L'intérieur de la loge, plongé dans une pénombre feutrée, l'accueillit par un silence assourdissant. Une angoisse sourde commença à l'envahir, telle une marée montante. Privée du soutien de Grégoire Voss, retenu par ses obligations professionnelles, elle se sentit isolée, vulnérable.

Victoria sortit ses fiches de son sac, chacune soigneusement annotée et organisée la veille avec Pierre au siège du parti. Ils avaient répété jusqu'à près de deux heures du matin, mais l'atmosphère, loin d'être tendue, s'était révélée bien plus légère que lors de leurs séances plus formelles. Entre deux répliques, ils avaient éclaté de rire, se moquant ouvertement des mimiques exagérées que Pierre adoptait pour imiter son adversaire. Cette légèreté inattendue avait donné lieu à des échanges plus complices, et ils avaient fini par se dire que, peut-être, une véritable entente était née ce soir-là.

Elle ouvrit une bouteille d'eau, avala une gorgée rapide, puis attrapa les fiches, les yeux fixés sur les slogans qui avaient été si minutieusement préparés. Les talons de ses chaussures claquaient un rythme régulier sur le sol, tandis qu'elle s'animait d'un mouvement circulaire, cherchant à insuffler à ses mots une énergie convaincante.

— Chaque euro investi dans le... la réduction des émissions est un euro investi pour... merde !— s'exclama-t-elle en se mordant la lèvre, agacée par son erreur — merde, dans l'avenir, dans l'innovation, dans la compétitivité de nos entreprises.

Elle inspira profondément, cherchant à apaiser le tumulte intérieur qui l'agitait. Puis, reprenant son discours, elle se mit à déambuler nerveusement dans la pièce, ses doigts effleurant nerveusement les pages de ses notes.

— Les technologies sont là, l'expertise est là, il ne nous manque que la... putain... la volonté politique pour... enclencher un changement réel et durable. murmura-t-elle en se corrigeant à mi-phrase, la frustration perçant dans sa voix, tout en creusant des tranchées dans la pièce.

Elle s'arrêta un instant, ferma les yeux, et tenta de retrouver son calme.

— Nous ne parlons pas de sacrifier l'économie, mais de la transformer. En réduisant les émissions,... nous améliorons la santé publique, reprit-elle doucement, comme pour se convaincre elle-même de la justesse de ses propos, créons des emplois verts, et garantissons un avenir durable. C'est ça, verts et durables, c'est la clé, continua-t-elle, cherchant à se recentrer sur l'essentiel.

Dissonance ObsédanteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant